Le réflexe est troublant. Dès que l’on prononce le nom de Bielsa en présence de Nicolas Nkoulou, ses pupilles se dilatent et son timide sourire de façade s’élargit. Le défenseur central de 24 ans n’avait pas besoin d’un entraîneur, il lui fallait un guide, un mentor. Comme il le pressentait au printemps, sa rencontre avec l’Argentin l’a remis dans le sens de la marche.
Depuis le départ de Didier Deschamps, celui qui est allé le chercher à Monaco à l’été 2011, le Camerounais a stagné. En 2012-2013, ses acquis immenses lui ont permis de camoufler cette inertie. La saison dernière, dans un collectif tombé en désuétude, il n’a été que l’ombre de lui-même, traînant sa peine dans son coin quand Elie Baup l’espérait en leader.
« Comme s’il avait renoncé », souligne un coéquipier de l’époque. « Il était abattu, note Stéphane Mbia, son compère des Lions indomptables, également passé par l’OM (2009-2012) et aujourd’hui au FC Séville. Il faisait des erreurs au sein d’un collectif qui doutait. Et ces erreurs lui minaient le moral, c’est le premier à se juger, et sévèrement. »
Les grands clubs l’ont oublié
Le poids des responsabilités n’est pas moins léger en sélection. Lors du Mondial 2014, il est vice-capitaine, alors que sa vision du groupe est radicalement différente de celle de Samuel Eto’o, le boss. Nkoulou n’aime pas le conflit et assiste, impuissant, au spectaculaire crash des Camerounais. Alors qu’il misait sur cette compétition pour effacer sa saison en club, il aligne les prestations indignes de son niveau (9 buts encaissés en 3 matchs).
Le retour au pays, pour les vacances, est marqué par le décès de son père, des suites d’une longue maladie. Nkoulou a perdu sa mère lors du Mondial 2010, il a retrouvé son paternel quelques mois plus tard, après une longue absence. En mai, il avait réussi à le faire venir à Marseille, pour plusieurs semaines. Une parenthèse enchantée brutalement stoppée, un jour de juillet. Cet été, Nkoulou a fait le deuil, et les bilans. « Je me remets en question régulièrement », dit cet ambitieux, sous contrat jusqu’en juin 2016 avec l’OM. Il comprend que les grands clubs européens l’ont oublié ; il repart de zéro.
Avec Bielsa, le temps de l’individualisme, qu’il exècre, est terminé. Il est le patron d’une arrière-garde enfin soudée. « Lorsqu’on défend à trois, j’assure toutes les couvertures », explique-t-il, avant de louer les mérites de Jérémy Morel, « toujours irréprochable ». En sélection, il n’a plus de fonction, a laissé le capitanat à Mbia, un des six rescapés du Mondial dans une équipe qui vise la qualification à la CAN 2015. Nkoulou veille pourtant sur les jeunes, et notamment le prometteur Brice Nlate, 17 ans, qui évolue avec la réserve de l’OM. Sans élever le ton, avec cette bienveillance naturelle des grands seigneurs.
Mathieu Grégoire