Professeur certifié d’Eps hors-Echelle, expert en biologie et physiologie du sport, ancien Lion Indomptable et entraîneur national-adjoint de cette équipe sous Ridanovic, il parle de l’entretien qu’il a eu avec les footballeurs concernant leur alimentation et l’impact de la consommation de l’alcool, du tabac et autres stupéfiants sur les performances sur le terrain.
Vous venez de rencontrer les footballeurs. Quel discours leur avez-vous tenu ?
Il s’agissait de leur parler du rôle de l’alimentation dans l’amélioration de la performance sportive, du rôle du tabac, de l’alcool dans la production de l’énergie pendant l’activité physique. Enfin du rôle des drogues dans la production de l’énergie pour des performances.
Il s’agit de quoi ?
Je leur ai fait comprendre que le sport et le football en particulier, nécessite une dépense d’énergie tant physique que psychique. Et que les nutriments, comme les glucides, les lipides, les protéines, les minéraux, ne sont pas bien utilisés, quand leur utilisation n’est pas bien faite, le footballeur a une performance qui n’est pas celle attendue par l’entraîneur.
Si je prends l’exemple des glucides, il faut que les joueurs sachent que c’est l’énergie qui permet de régir rapidement et que vous pouvez trouver ça dans tel ou tel aliment. Idem pour les lipides en regardant les boîtes de conserves de beurre qu’ils achètent. A l’intérieur, il y a des lipides saturés ou les lipides insaturés. Sachant que ce sont les lipides saturés qui sont dangereux, les joueurs vont commencer à faire attention. Je leur ai dit par exemple que dans l’huile de palme, on a 48% de graisses saturées. J’ai donné des pourcentages pour la viande de bœuf, de porc, l’huile d’olive. En ayant un peu ce pourcentage de graisse dans ces aliments, les joueurs sauront ce qui est dangereux pour le sportif et ce qui ne l’est pas.
Faut-il manger une heure ou trois heures avant l’activité physique ? Faut-il prendre l’alcool avant un match, pendant ou après le match ? Quelles sont les conséquences de l’alcool au niveau du temps de réaction quand on est sur un terrain, au niveau même de la sensibilité, de la douleur ? La douleur est un signal qui prévient quand le corps est en train de lâcher. L’alcool bloque ce signal-là au point où quand on vous cogne, ce n’est qu’après que vous sentez que vous avez une fracture ou une blessure. Et vous qui allez au choc, l’alcool vous fait croire que vous êtes en super forme et c’est dangereux autant pour vous que pour l’adversaire.
S’agissant du tabac, sa consommation rend impuissant. Beaucoup de gens ne le savent pas. Ça rétrécie les vaisseaux au niveau du pénis, par exemple.
Quand on termine un stage bloqué où on a interdit d’avoir de relations sexuelles. Lorsque le joueur arrive en famille, sa femme est là pour l’attendre et il n’y a aucune réaction. Psychologiquement, le lendemain, quand le joueur va à l’entraînement, il est dispersé. Il a la tête à la maison où ça n’a pas fonctionné et ici à l’entraînement, le coach lui demande de travailler dur. Et le tabac fait en sorte que le temps de réaction sur un terrain est lent. Je n’entre pas dans d’autres considérations des effets nocifs du tabac, parce que c’était le niveau 1. Il y a les niveaux 2, 3 et 4 de l’effet du tabac sur la performance du sportif. On se limite d’abord au niveau 1 pour ne la saturer les jeunes. J’ai aussi parlé aux joueurs de la marijuana et de la cocaïne. J’ai fait une étude au Cameroun où sur 1100 footballeurs, ces deux produits étaient très consommés, en dehors de la colle que certains joueurs peuvent aspirer avant le match. Ces deux produits ont des effets négatifs au niveau de la performance. On croit qu’on est bien, mais il y a la dépression. Quand on est déprimé, on peut avoir une double dépression. Lorsque le joueur s’entraîne, il se pose des questions : que pense l’entraîneur de moi ? Va-t-il m’aligner dans les onze entrant ? Si l’impression est mauvaise en supposant que le joueur ne sera pas retenu, c’est un début de dépression. Si vous y ajoutez d’autres choses comme la Marijuana, vous voyez que le joueur est en train de sortir du football. C’est pour ça que vous voyez beaucoup de jeunes ne plus jouer au football, parce qu’ils ont connu des dépressions entraînant une démotivation. Quand on n’est plus motivé, on se met à insulter des gens en route.
Pensez-vous avoir fait passer le message ?
C’est à eux de savoir. J’ai posé des questions et les joueurs ont répondu favorablement. Mais, avec les modules qu’on va leur donner, ils vont rester lire et comprendre que lorsqu’on est professionnel, ça veut dire qu’on a des obligations et des devoirs. Dire qu’on est professionnel, c’est comprendre qu’il faut dormir sept à huit heures par jour et à des heures régulières et ne pas manger n’importe quoi sans consulter mon médecin de club ou un spécialiste. C’est comprendre aussi que tel produit dopant, ça devient problématique. Il faut que les joueurs comprennent les exigences du professionnalisme.
Les conditions de vie amènent aussi le footballeur camerounais à attraper le morceau qu’il peut pour le consommer …
Les joueurs sont mal payés. Cela veut dire qu’au niveau alimentaire ils seront mal nourris. Après l’entraînement, ils vont prendre peut-être du haricot. Bien que ce soient des protéines, il faut que ce soit équilibré. Le joueur doit manger trois repas par jour.
Vous avez juste un échantillon de joueurs ici à ce séminaire. Comment allez-vous transmettre ce message aux autres joueurs des autres localités du pays ?
Je ne suis pas gêné, parce qu’à Douala, on a tenu le même séminaire où un échantillon de joueurs a reçu les mêmes enseignements. Le Synafoc est en train d’aller de région en région et ceux qui ont assisté à ce séminaire vont donner l’information dans leurs clubs. Et ceux-là vont chercher à obtenir le module auprès du Synafoc pour comprendre. C’est un phénomène d’ondes d’un caillou jeté dans la mer.
Entretien mené par A. T. à Yaoundé