Chef d’atelier football à l’Injs, entraîneur-adjoint des Lions militaires et directeur technique du centre de formation de Vogt Athlétic club de Yaoundé, il estime que ces multiples interruptions du championnat déteignent sur le cycle de vie du footballeur.
On assiste depuis quelques temps à plusieurs arrêts de compétition en pleine saison. Quel peut être l’impact de cette situation sur les équipes ?
Une équipe, c’est une organisation avec une administration est planifiée. Et cette planification est à plusieurs niveaux. L’administration planifie le budget, le staff technique planifie son travail. Quand il y a une interruption brutale de la compétition qui survient, il y a des perturbations à tous les niveaux.
Les joueurs subissent alors les conséquences …
L’entraîneur a fait une programmation en tenant compte que la saison va mettre neuf mois et on se retrouve à treize mois. Sur le plan de la programmation du travail, l’entraîneur, forcément, va se mêler les pédales. Il y a un période de préparation physique, celle de la compétition et d’affûtage. Mais, quand tout cela est perturbé, au niveau du cycle de vie du sportif, il y a des problèmes. L’organisme humain obéit à des adaptations à court et à long terme, selon des microcycles. Un microcycle, c’est une semaine. Quand un travail est planifié sur une semaine, on sait qu’on va augmenter la dose à la deuxième, monter encore d’un cran à la troisième et il y a la régénération, pour recommencer un nouveau cycle. Un cycle est étalé sur une certaine période. Maintenant que cette période est débordée, l’entraîneur n’a pas été préparé pour ça. Que faire en ce moment ? C’est commencer à bricoler. D’où de nombreuses blessures et des cas de surmenage musculaires surviennent, de sous-entraînement. Il vaut mieux avoir un jouer sous-entraîné à ce moment-là que d’avoir un qui est surmené qu’on ne peut plus récupérer. Au niveau des performances, il y a donc ces perturbations qui interviennent biologiquement sur le joueur. Au niveau psychique même, le joueur qui est préparé pour jouer un championnat qui va finir en juin. Quand le championnat est arrêté comme ça, il y a des championnats de vacances où on donne parfois des primes qui dépassent parfois ceux qu’ils ont en club. Il faut le dire, il y a des présidents de clubs qui ne payent pas les joueurs ici à Yaoundé. Entre un entraînement où le joueur aura 1000FCfa ou 500FCfa et parfois il n’y a rien et le championnat de vacances, le choix du joueur est vite fait : il va au championnat de vacances. Même en championnat, ce joueur ne pourra pas être performant. Il a la tête ailleurs, il préfère faire « les chantiers », comme ils appellent cela.
Peut-on avoir une prestation collective constante de l’équipe ?
Une équipe est un ensemble de joueurs et un staff qui travaille pour avoir une symbiose. Si tous les joueurs ne travaillent pas ensemble, forcément, l’entraîneur va aligner des joueurs sous-entraînés. Il ne peut plus mettre en place sa tactique. Au niveau de la qualité de jeu, il y a des pertes. L’entraîneur, c’est celui qui monte un spectacle en fonction de ce qu’il a en face et des éléments qu’il dispose. Quand il n’a pas tous ces éléments, il bricole et cela a des répercussions sur les performances collectives de l’équipe en compétition.
Quel est le niveau de responsabilité de l’entraîneur à ce moment-là ?
C’est celui qui a le plus de problèmes. On travaille sur une planification à court et à long terme. On attend les résultats de l’entraîneur, alors qu’il a fait une planification sur neuf mois. C’est un travail scientifique, bien programmé. Ce n’est pas le hasard. On sait qu’en mi-saison, on va atteindre un pic de performance et pendant la phase retour, on fait le maintien des acquis. Pendant ces arrêts, il y a des moments où vous dites au président : je ne peux pas arrêter parce qu’il faut maintenir les acquis. Il va vous dire : débrouillez-vous ou arrêtez pendant une semaine, parce qu’ils ont décidé d’arrêter le championnat pour trois semaines, parce qu’il n’a pas d’argent pour payer les primes d’entraînement. Vous êtes obligé d’arrêter. A la reprise il faut refaire la préparation physique et il faut la mettre à un certain niveau par des tests. A-t-on les moyens pour ces tests ? C’est comme ça que l’entraîneur bricole pour essayer de donner un peu d’allant à l’équipe pour produire un spectacle, parce qu’à la fin ce n’est pas ce qu’on a conçu. Les résultats ne sont plus là et l’entraîneur paye les pots cassés. Vous n’avez qu’à voir la vague d’entraîneurs qu’on a limogés ou qui ont fui des clubs. C’est parce qu’ils ont programmé un travail et l’administration ne suit pas au niveau financier.
Quel jugement portez-vous sur la qualité de genre de championnat ?
Le résultat se ressent immédiatement au niveau international. Les clubs camerounais ne franchissent pas généralement le premier tour des coupes africaines. Quand ils le font même, c’est à l’arrachée et après ils sont éliminés. Ils rencontrent des équipes huppées, qui ont disputé un championnat régulier. Nous sommes balayés d’un coup. Donc, au niveau des performances, il faut la régularité, l’assiduité et surtout ce maintien des acquis. Quand on ne peut pas maintenir les acquis on ne peut s’attendre à rien.
Les présidents donnent-ils toujours des moyens aux coaches ?
Une équipe est une organisation. Il y a quelqu’un qui doit pourvoir ces moyens et il y a quelqu’un qui doit les utiliser avec le matériel humain. Maintenant, les présidents de clubs-là, qui sont sensés donner les moyens ne le font pas au prétexte que, soit l’Etat ne leur donne pas des subventions, soit qu’ils ont des velléités autres. Dans l’environnement du football camerounais à l’heure actuelle – je pèse mes mots et j’en prends la responsabilité – très peu de présidents doivent diriger les clubs que nous avons. Quand on parle de professionnalisme, on doit mettre le footballeur en avant. Le président qui veut avoir de l’argent dans le football doit investir. Pour cela, il faut mettre des moyens pour recruter de bons joueurs ou des moyens pour former des jeunes qui seront performants et ce n’est qu’avec des joueurs performants qu’on peut espérer placer un autre Samuel Eto’o au Barça, un Rigobert Song à Galatassaray, ainsi de suite.