Alors qu’on parle tranquillement du rôle éducatif et social, une autre tare mine le football des jeunes de l’intérieur: la marchandisation ! Ce qui peut nous amener à poser cette question qu’on pourrait juger naïve de jours, à savoir : gagner de l’argent est-il le seul but du football des jeunes, la seule motivation de ses éducateurs et dirigeants?
Le fait est qu’au fil des années, la sélection par l’argent, notamment, est devenue un des (mauvais) réflexes des acteurs du football des jeunes. Tout le monde veut gagner de l’argent sur-le-champ, tout de suite, « là-là-là », et à tous les niveaux du parcours de formation du jeune joueur, sans attendre qu’il devienne professionnel.
Les parents sont systématiquement incités ou contraints de payer pour que leurs enfants soient sélectionnés ou alignés sur le terrain. Je l’ai moi-même expérimenté lors des sélections organisées à Yaoundé et Douala par Foot Solidaire Afrique en route pour Montaigu en mars 2013, où, malgré toute notre vigilance, une responsable de l’encadrement aujourd’hui bannie extorqua de l’argent à une mère de famille! Le phénomène du « coach Ndolè » (racket des joueurs par leurs coaches) semble devenir la règle dans une grande majorité de structures. La sélection ne se fait donc plus sur le seul critère sportif, mais en fonction des sommes versées aux encadreurs techniques.
L’élitisme touche aussi de plus en plus cet ancien « sport des pauvres » qu’est le football. A titre d’exemple, l’intégration d’un jeune dans un « sport-études » se chiffre aujourd’hui en millions de francs CFA par an, c’est à dire qu’elle est hors de portée du Camerounais moyen. L’ascenseur social du football va donc bientôt se retrouver bloqué au 5è étage, et l’escalier qui y mène condamné. On peut comprendre que les promoteurs de centres de formation veuillent alléger leurs charges de fonctionnement ou rentabiliser leur investissement. Or le football n’est pas une entreprise comme les autres, ils doivent le comprendre. Toujours est-il qu’ils font aujourd’hui du Cameroun le seul grand pays de football au monde où les jeunes talents payent pour jouer au football, payent pour se former. L’aspect sportif de Foot Jeunes est donc en passe d’être définitivement relégué au second plan, au profit du (petit) gain financier immédiat.
La réforme tant espérée du football des jeunes passera donc inévitablement par la moralisation des pratiques et la responsabilisation des acteurs. Le nouvel élu de FECAFOOT devra s’y atteler avec patriotisme. Mais il ne pourra pas mettre un gendarme derrière chaque acteur du Foot Jeunes ! Il y a donc une prise de conscience à opérer, un travail d’éducation et de sensibilisation à mener auprès de tous les protagonistes du Foot Jeunes, parents compris. Au cas contraire, notre pays continuera de passer à côté des vrais talents, et ne sera jamais en mesure de gagner la coupe du monde, que les Camerounais et les fans du monde entier espèrent depuis le bon parcours des Lions indomptables au mondial italien 1990 et le titre olympique à Sydney, en 2000.
Jean Claude Mbvoumin, Ancien international, Président de l’Association Foot Solidaire