Plus talentueuse que lorsqu’elle a terminé quatrième, l’ASNL manque en revanche d’expérience et de maturité. C’est l’avis de Landry N’Guemo, qui revient également sur son année au Celtic et sa coupe du Monde décevante en Afrique du Sud.
Depuis ta dernière saison à l’ASNL en 2008/2009, il y a eu un prêt d’un an au Celtic Glasgow mais aussi une Coupe du Monde. Ce n’est plus le même Landry qui est revenu à Nancy ?
Je m’appelle toujours Landry N’Guemo (rires). C’est vrai que j’ai vécu pas mal de choses puisqu’il y a eu aussi une coupe d’Afrique des nations. Maintenant, ce n’est pas à moi de juger si cela m’a permis de franchir une étape. Certains le pensent et me l’ont dit, mais je ne m’en rends pas vraiment compte. Ce qui est certain, c’est que j’ai tiré des leçons de tout ce que j’ai vécu, que cela a augmenté mon bagage et surement accéléré ma progression.
Comment se déroulaient les entraînements au Celtic ?
Il y avait un groupe très large avec une trentaine de joueurs, car on s’entraînait avec la réserve. Là-bas, même à l’entraînement, les joueurs ne calculent pas et se donnent à fond pour gagner leur place. Comme la politique du Celtic est de mettre des jeunes sur le banc de touche, quand tu es étranger, tu ne peux être que sur le terrain ou dans la tribune. Et comme il y avait plus de treize nationalités différentes, c’était une vraie bataille à l’entraînement.
On a l’image des footballeurs britanniques qui arrivent deux heures avant le match et vont boire des bières après la rencontre…
Ce n’est pas un cliché (sourire). Je me souviens d’une cérémonie de remise de prix à la fin de la saison. C’était deux jours avant un match et il y avait plusieurs bouteilles d’alcool sur notre table. Comme on ne les avait pas ouvertes, notre coach est venu nous voir pour nous dire de ne pas avoir peur de les déboucher. Il était étonné. Là-bas, on te demande juste d’être bon pendant le match et le reste importe peu. Lors des rares mises au vert, on était libre de faire ce qu’on voulait et même de manger tout et n’importe quoi puisqu’il y avait des buffets remplis de gâteaux par exemple. Certains en profitaient pour faire des repas très copieux quelques heures avant un match sans que cela ne dérange le coach.
C’est un mode de fonctionnement qui te convenait ?
Je trouve cela bien que l’on laisse chacun se préparer à sa façon. Dans le vestiaire, il y avait toujours la musique à fond avant les matchs et l’on ne voyait quasiment pas le coach. Il venait juste pour donner l’équipe.
Le championnat écossais t’a forcé à muscler ton jeu ?
Oui, car les duels se disputent toujours à 200%. Même quand tu joues contre un mec un peu frêle, il va te faire sentir sa force dès le premier contact. J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation, car j’étais toujours un peu surpris de voir qu’un joueur te rentre dedans alors qu’il n’a aucune chance de prendre le ballon. Et là-bas, l’arbitre ne lui sort pas un carton, mais crie « game on » ou « play on ». Pour eux, le contact fait partie du jeu. C’est très différent de la Ligue 1 où tu prends un carton dès que tu tacles. Même quand tu touches le ballon, on te reproche une trop grande agressivité !
Au niveau des résultats, cela n’a pas été une grande saison pour le Celtic…
En effet, on termine deuxième du championnat et on se fait sortir de la coupe en demi-finale. C’était d’autant plus une mauvaise saison que c’est le rival Rangers qui termine en tête. Le championnat écossais ne se résume pas pour autant en un duel entre les deux clubs de Glasgow, car il y a aussi des concurrents très sérieux comme Dundee ou Hearts.
En revanche, au niveau des supporters et de l’ambiance au stade, cela a dû être extraordinaire ?
J’espère que je pourrais encore vivre quelque chose d’aussi fort, mais cela sera difficile. Je connais des gens qui ont assisté au derby argentin entre Boca et River et qui m’ont dit que celui de Glasgow était encore plus chaud. J’avais des frissons à chaque fois que j’entrais dans notre stade. Il y avait toujours 40 000 spectateurs qui aiment vraiment le foot, supportent et encouragent leur équipe. Ils apprécient tous les gestes, et pas seulement le but ou la passe décisive. Cela fait chaud au cœur. C’est pour cela aussi que les matchs sont aussi vivants.
Tu as ensuite enchainé sur une Coupe du Monde très décevante pour le Cameroun…
Cela a été une grosse déception. Quand j’étais au centre de formation, je ne pensais pas vivre un tel évènement et ne rêvais que de jouer en pro. C’était donc plus qu’un rêve qui se réalisait pour moi. Surtout que cela se déroulait en Afrique. C’était symbolique. Malheureusement, cela ne s’est pas bien passé. Participer ne me suffisait pas. Je voulais jouer et n’ai été titularisé que lors de la dernière rencontre face au Pays-Bas (1-2) alors que nous étions déjà éliminés. Ensuite, je pense que l’on n’a pas vu les vrais Lions indomptables en Afrique du Sud, car des éléments extérieurs sont venus nous perturber. Tout n’était pas réuni pour que l’on puisse espérer gagner.
Est-ce que les équipes africaines ne se sont pas aussi trop européanisées au niveau du jeu, avec davantage de rigueur, mais moins de folie ?
On ne peut plus se permettre de miser uniquement sur cette folie. Tactiquement, il faut aussi être bon. C’est d’ailleurs cette culture tactique qui nous faisait défaut auparavant en Afrique. Aujourd’hui, la majorité de nos meilleurs joueurs évoluent en Europe et possèdent cette culture tactique. Ils doivent donc la mettre au service de leur équipe nationale. Cela ne doit pas nous empêcher d’amener aussi un peu de folie et d’emballer le match, mais ce n’est pas évident dans une Coupe du Monde.
De retour à Nancy, tu as été placé sur la liste des transferts, mais tu es finalement resté honorer ta dernière année de contrat. Cela a été difficile de gérer cette période un peu floue?
Cela a été un peu perturbant. J’avais de toute façon expliqué au coach que s’il comptait sur moi, j’étais prêt à revenir à l’ASNL et à apporter ce que j’avais appris ailleurs. Je suis venu dans cet état d’esprit, avec l’idée de faire le maximum pour jouer chaque week-end. C’est ce qui s’est passé et c’est tant mieux. Par contre, c’est une saison compliquée pour l’équipe et nous devons nous ressaisir pour assurer notre maintien. Pour cela, on a encore des choses à régler au niveau collectif.
Tu es parti en Écosse au moment où le club a commencé à faire évoluer son jeu vers un style plus posé. Est-ce que tu as senti un changement à ton retour ?
Oui, et je pense même que l’équipe de cette saison a plus de qualités que celle qui a terminé quatrième il y a trois ans. C’est plus talentueux, mais moins expérimenté. C’est ce qui fait la différence. Quand les joueurs actuels vont en prendre conscience, on pourra faire de grandes choses. Aujourd’hui, nous sommes dans la deuxième partie du classement, mais on voit énormément de choses positives lors de nos matchs et la plupart de nos défaites se jouent sur des détails. Seuls Lille et Lyon nous ont battus sans discussion possible. L’autre différence par rapport à la saison 2007/2008, c’est que l’on n’a plus la chance avec nous. Il va donc falloir la provoquer.
Cela veut dire qu’en conservant cet effectif, l’ASNL pourrait vivre de beaux jours…
Oui, j’en suis persuadé. Il y a beaucoup de joueurs de ballon, mais il nous manque ce petit brin de malice et de maturité qui fait la différence. On va tous apprendre et nous serons plus forts lors des prochaines saisons. Mais pour cela, il faut d’abord sauver notre place en Ligue 1.
Dans le dispositif de Pablo Correa, quel est ton rôle au milieu de terrain ?
En général, nous jouons à deux et notre mission principale est de récupérer le ballon. Ensuite, on doit servir de relais pour l’attaquant, mais cela doit se faire à tour de rôle. On est aussi capable de se retrouver devant le but, mais on doit faire très attention à ne pas mettre en danger notre équipe. Lors de cette saison où cela ne nous sourit pas vraiment, il vaut mieux jouer la sécurité et bien nous concentrer sur notre travail de récupération avant de chercher à aider les coéquipiers.
Tu es certainement l’un des joueurs qui fait le plus de rab à l’issue des entraînements. C’est d’abord pour progresser ou pour prendre du plaisir ?
Les deux, et surtout parce que j’aime le ballon. Rien que de faire des passes de trente mètres avec un coéquipier me donne du plaisir. C’est aussi grâce à cela que je progresse et peut reproduire des gestes identiques plus instinctivement pendant le match.
Tu prends autant de plaisir que lorsque tu jouais dans la rue au Cameroun ?
C’est différent, car il y a la compétition. Ce n’est plus le match entre copains du vendredi soir où ce n’est pas grave de perdre. Il faut toujours garder à l’esprit les trois points en jeu. Tu dois faire attention à ne pas prendre de risques dans certaines zones. Cela n’empêche pas pour autant de s’amuser et on voit beaucoup de joueurs rigoler sur le terrain. Il faut juste concilier plaisir et exigence de la compétition. Quand tu tentes un dribble par exemple, il faut t’assurer que tu ne risques pas de mettre en danger ton équipe.
Est-ce pour justement préserver cette fraîcheur que tu ne t’intéresses pas vraiment à l’actualité du foot ?
Je regarde quelques matchs, m’intéresse à notre position au classement et c’est tout. Je ne sais pas s’il y a un match ce soir à la télévision. Mais, si je tombe dessus en zappant, je peux le regarder. C’est important pour mon équilibre de couper avec le foot. Au centre de formation, il n’y avait que cela qui comptait pour moi. Je me suis rendu compte que la vie ne se résume pas aux entraînements et aux siestes. Il faut faire autre chose, comme passer du temps avec sa famille par exemple. Cela peut t’aider, te donner de l’énergie. Quand tout se passe bien sur le terrain, ce n’est pas grave de ne penser qu’au foot, mais quand les résultats ne sont plus au rendez-vous, tu as besoin de ta famille pour repartir de l’avant.
ASNL