Depuis la blessure de Grégory Coupet, tout le monde parle d’Apoula Edel. Pourtant, ce joueur méconnu a déjà tout d’un grand… Son parcours est loin d’être un conte de fée. Si aujourd’hui tout semble lui sourire, il a d’abord vécu de nombreuses galères dans la vie pour en arriver là.
Une enfance pleine d’amertume
Né le 17 juin 1986 à Yaoundé, la capitale du Cameroun, Apoula Edel grandit avec des parents sans emploi et Fabrice, un frère qu’il aime tant. Son enfance n’est pas simple et doit faire face à la mort foudroyante de son jeune frère. Son entourage lui fait comprendre que la vie n’est pas facile et lui inculque la valeur du travail pour réussir. Ses parents l’envoient à 11 ans suivre des cours de pâtisserie.
Initialement, rien ne laisse à penser qu’Apoula Edel allait se destiner à une carrière de footballeur professionnel. Le football est pour lui un moyen d’évasion et se met à rêver des exploits de Bernard Lama et Edwin Van Der Sar. Mais son idôle reste Pierre Ebedé, un gardien international camerounais, de six ans son aîné, formé au Tonnerre Yaoundé, le club de son ami Jean II Makoun. C’est grâce à lui qu’Apoula Edel décide de s’incrire au FC PWD Kumba, un petit club à deux cents kilomètres de Yaoundé.
Sa jeunesse africaine
Au FC PWD Kumba, Apoula Edel apprend pendant quatre ans ses gammes dans les buts tout en continuant de suivre sa formation et des petits boulots à côté. Il finit par se faire remarquer par un recruteur français qui lui explique que l’Arménie, c’est comme la France. Il lui propose de passer un essai sur place en compagnie de Carl Lombe, son partenaire de club. Arrivé à Erevan, la capitale du pays, les deux joueurs apprennent qu’ils ont été vendus, sans même avoir passé un essai, et leurs passeports sont confisqués.
A la découverte de l’ex-bloc soviétique
En 2002, Apoula Edel s’engage donc au Pyunik Erevan, le club le plus populaire d’Arménie. Depuis la chute de l’URSS, les Phoenix s’imposent comme la référence du football arménien et est considéré comme le club le mieux armé pour avoir une chance de jouer une coupe d’Europe. Pour Apoula Edel, qui n’a guère le choix de s’engager ici, ses débuts sont difficiles : il doit découvrir une nouvelle culture, faire face à un climat rude et porter les couleurs d’un club qu’il n’a pas forcément choisi.
Durant ses quatre ans en Arménie, le gardien remporte malgré tout quatre championnats nationaux (de 2002 à 2005) et deux coupes nationales (2002 et 2004). Véritable référence à son poste et avec son club, Apoula Edel est alors régulièrement appellé pour représenter les Espoirs arméniens où il compte soixante capes. A l’Euro des moins de 19 ans, en 2005, il se fait remarquer en remportant le titre de meilleur gardien du tournoi. Il intègre petit-à-petit la sélection arménienne, pour son plus grand regret.
De nombreux clubs commencent alors à s’intéresser de près à lui. Apoula Edel va effectuer des essais à Paris, à Marseille, à Istres, à Bordeaux et au Benfica où il fait sensation. Malheureusement, le club arménien réclame alors un million d’euros pour le laisser partir et profite de la Fédération Arménienne de Football de faire traîner son bon de sortie. Voyant les difficultés à partir, il parvient malgré tout à changer d’air, en faisant croire qu’il a un nouvel essai à l’étranger et en suivant son ancien entraîneur en Roumanie pour jouer avec le Rapid Bucarest.
En Roumanie, Apoula Edel se laisse séduire par le challenge sportif et le charme de la population locale. Il commence par être prêté six mois à La Gantoise, en Belgique, avant de vivre une saison pleine avec son nouveau club. En Roumanie, il remporte la coupe nationale (2006) et joue la Coupe UEFA. C’est lors de cette compétition européenne qu’il recroise la route du Paris Saint-Germain. Supervisé par Christian Mas lors d’un match contre le Panathinaïkos où il a rencontré son idôle Pierre Ebedé, Apoula Edel avait déjà tapé dans l’œil des superviseurs parisiens. Se souvenant de Christian Mas, Apoula Edel décide d’interpeller sur la pelouse du Parc des Princes l’entraîneur des gardiens parisiens qui se laisse séduire. Avec le départ de Nicolas Cousin pour Angers, Paris est à la recherche d’un troisième gardien. Mis à l’essai, pour la deuxième fois, Paul Le Guen est conquis et propose un contrat de deux ans. Apoula Edel quitte alors le Rapid Bucarest pour la modique somme de 100.000 euros et s’engage pour deux ans.
A l’heure occidentale
A Paris, Apoula Edel est officiellement le troisième gardien du club, derrière Mickaël Landreau et Jérôme Alonzo. Il se contente de jouer avec la CFA et d’attendre patiemment son heure. La première année, sous l’ère Landreau, Apoula Edel est inexistant mais avec le départ de Jérôme Alonzo à la fin de la saison, il gagne une place dans la hiérarchie des gardiens. Pour l’anecdote, ce sera lors d’un match amical contre la Guinée, le 16 novembre 2007, qu’Apoula Edel foulera la première fois la pelouse du Parc des Princes avec le maillot du PSG sur les épaules. Il ne gardera pas les buts mais sera à la pointe de l’attaque pour faire face à la blessure de Loris Arnaud…
Avec l’arrivée de Charles Villeneuve à l’été 2008, le nouveau président du Paris Saint-Germain émet des réserves sur le niveau de Mickaël Landreau et laisse entendre que le jeune gardien pourrait avoir une belle promotion. Il n’en est rien : Apoula Edel devra se contenter d’apparitions en Coupe de France et Coupe de la Ligue pour permettre au numéro 1 de souffler un peu après les matches de Ligue 1 et de Coupe UEFA.
A l’été 2009, Mickaël Landreau annonce qu’il va quitter le club de la capitale. Des rumeurs circulent sur le nom d’un nouveau gardien mais en interne, les joueurs réclament Apoula Edel. Avec l’instabilité chronique au poste d’entraîneur, le joueur est dans le doute et songe à partir. Antoine Kombouaré arrive et décide de retenir son gardien numéro 2. Grégory Coupet sera recruté et fera une année de transition avant de lancer KFC, comme il est surnommé, dans le grand bain.
Sauf que le plongeon arrive plus tôt que prévu pour Apoula Edel. Ce week-end, avec la longue blessure de Grégory Coupet, il va enfin pouvoir goûter aux joies de la Ligue 1. Apprécié pour son calme naturel, sa gentillesse et son explosivité, beaucoup voient en Apoula Edel les caractéristiques d’un grand gardien. Théoriquement, il devrait avoir sa chance en attendant le retour de Grégory Coupet : il a d’ores et déjà reçu le soutien du président, de l’entraîneur, de ses partenaires et de Grégory Coupet en personne. Si Apoula Edel parvient à faire ses preuves, tout laisse à penser pour que l’intérim se transforme en CDI dans les buts…
Sa place en sélection
Alors que le gardien camerounais était exilé en Arménie durant quatre ans, Roupen Haïrabédian, celui qui endosse le costume de député, de président de club de football et de président de la fédération, décide de naturaliser les prometteurs joueurs africains. C’est ainsi que Bernard Casoni, l’ancien entraîneur de l’Olympique de Marseille, décide de sélectionner Apoula Edel avec l’Arménie pour disputer deux matches comptant pour les qualifications à la Coupe du Monde 2006 contre la Roumanie et la République Tchèque. De toute façon, le joueur n’a pas le choix : s’il refuse de jouer, il ne sera pas payé.
Encore aujourd’hui, Apoula Edel regrette cette erreur de jeunesse et a envoyé son dossier à la FIFA dans l’espoir d’obtenir une régularisation. Si tel était le cas, le gardien parisien aurait une belle chance de s’envoler en Afrique du Sud pour représenter les Lions Indomptables. Paul Le Guen, désormais sélectionneur du Cameroun, souhaiterait le mettre en concurrence avec Carlos Kameni (Espanyol Barcelone). Une chance pour Apoula Edel qui pourra alors côtoyer Samuel Eto’o, Rigobert Song, Jean II Makoun ou Stéphane M’bia.