L’ancien Lion indomptable que nous avons rencontré à la cérémonie de réception du bus des Lions indomptables a bien voulu répondre à certaines de nos questions. Avec lui nous avons évoqué les coupes du monde 90 et 94 avec notamment les relations avec les autres joueurs, la question des primes non payées, sa carrière, son après football, le niveau actuel du football camerounais, les élections à la Fecafoot et surtout son jubilé qu’il compte organiser le 19 décembre prochain à Kumba.
Camfoot.com: On ne vous voit plus beaucoup qu’est ce que vous devenez ?
Victor Ndip Akem : Je suis à Kumba, je suis devenu planteur, je travaille dans mes plantations, mais je trouve aussi le temps pour encadrer les jeunes, j’ai entraîné plusieurs équipes dans cette ville, parce qu’on sollicite mon expérience et chaque fois ça se passe bien. Toutes les équipes que j’ai entraînées ont souvent gravi les échelons pour accéder en division supérieure.
Camfoot.com: Et les dirigeants de ces équipes vous rémunèrent tout de même ?
Victor Ndip Akem : Justement non, personne ne pense à payer le travail que je fais dans ces clubs. Ils me disent tous que j’ai eu beaucoup d’argent avec l’équipe na tionale, et après c’est les problèmes. Je préfère me concentrer dans mes plantations.
Camfoot.com: Quelle est l’image que les gens ont de vous dans cette ville de Kumba, on vous voit comme un ancien Lion ou alors un simple citoyen ?
Victor Ndip Akem : Disons qu’à kumba tout le monde est sympa avec moi, c’est ma ville, c’est là bas que j’ai commencé et c’est là bas que je suis revenu après le football. C’est la ville où je me sens le plus en sécurité au Cameroun.
Camfoot.com: Vous venez d’assister à la cérémonie de réception du bus des Lions indomptables, qu’est ce que ça vous fait en tant qu’ancien Lion ?
Victor Ndip Akem : Ça m’a fait énormément plaisir d’assister à cette cérémonie. Lorsque nous jouions, on rêvait de voir l’équipe avoir de tel traitement, parce que lorsqu’on allait dans des pays et on voyait dans quel genre de voiture on nous ramenait de l’aéroport jusqu’à notre hôtel, on se disait que pourquoi notre pays ne pouvait pas nous mettre dans les mêmes conditions. Et aujourd’hui plusieurs années après c’est chose faite, je ne peux être que très content. Je saisis l’occasion que vous me donnez pour féliciter la Fecafoot, le ministère des Sports, les différents sponsors des Lions indomptables pour ce geste.
Camfoot.com: La jeune génération des Lions est au petit soin avec les primes conséquentes, une attention particulière notamment avec ce bus. Est ce que cette situation ne vous frustre pas vous les anciens Lions ?
Victor Ndip Akem : Je dirais que nous avons joué à notre temps, nous avons fait des choses que le monde entier a vues. Aujourd’hui les jeunes bénéficient de notre travail et je ne peux qu’être content qu’ils soient mieux traités aujourd’hui, je crois qu’ils le méritent aussi.
Camfoot.com: Beaucoup d’anciens Lions comme vous réclament toujours des primes impayées dont vous-même, pensez-vous qu’un jour l’état va vous désintéresser ?
Victor Ndip Akem : Nous avons encore les primes de 1994 qui n’ont pas toujours été payées, j’ai d’ailleurs remis tous les documents à son excellence Roger Milla, on ne nous a pas encore payé, même pour la coupe du monde 1990. Le ministre Joseph Fofé nous avait promis que dès qu’on arrive au pays il va donner 10 millions à chaque joueur, jusqu’aujourd’hui il n’y a rien. Je vais vous dire ; à Kumba jusqu’aujourd’hui on me dit qu’après la coupe du monde 90, Chief Abiola un milliardaire Nigérian avait donné à chaque Lion une voiture, on a jamais rien vu. On nous doit beaucoup d’argent parce que j’ai les documents qui indiquent qu’on a payé Joseph Antoine Bell. On ne m’a pas payé, on n’a pas payé Libih Thomas, Mbouh Émile, Onana Jules Denis et bien d’autres…
Camfoot.com: Pourquoi certains ont été payés et pas vous ?
Victor Ndip Akem : Je ne sais pas, j’ai demandé on m’a dit que nous n’étions pas sur place au Cameroun et qu’on a payé ceux qui était là. Je ne sais pas si ceux-là ont joué plus que nous.
Camfoot.com: Combien chiffrez-vous ce que l’état vous doit ?
Victor Ndip Akem : Je vais vous dire simplement que l’état nous doit beaucoup d’argent. Et si aujourd’hui on nous appelait pour régler cette dette, j’accepterais de tourner la page. Mais sachez que le Cameroun me doit beaucoup d’argent. Son Excellence Roger Milla suit ces dossiers, mais tous les ministres disent qu’ils n’étaient pas en place à l’époque, c’est Makon Wehiong qui était ministre en ce moment. Mais je vous dis que Joseph Antoine Bell, Thomas Nkono ont été payés pas nous et je ne comprends pas toujours pourquoi.
Camfoot.com: Est-ce que ce n’est pas parce que Bell avait tempêté, il avait d’ailleurs porté l’affaire à la FIFA ?
Victor Ndip Akem : Si Bell a emmené le Cameroun à la FIFA, moi je suis Victor Ndip Akem, un patriote qui ne peut pas amener son pays à un quelconque tribunal. J’ai beaucoup donné pour mon pays, il revient à mon pays de me retourner l’ascenseur.
Camfoot.com: Quelle relation gardez vous avez vos anciens coéquipiers de la coupe du monde 90 en Italie ?
Victor Ndip Akem : Je suis un joueur que tout le monde a aimé à l’équipe nationale parce que je disais la vérité. Tous les joueurs de cette époque m’ont adopté parce que j’étais franc, je n’ai pas de problème avec mes anciens coéquipiers, pour ceux qui sont au pays on se rencontre de temps en temps.
Camfoot.com: Quel est le bon souvenir que vous gardez de la coupe du monde 90 en Italie ?
Victor Ndip Akem : C’est la victoire que nous avons donnée au président Paul Biya contre l’Argentine, il était au stade avec d’autres présidents. Je suis sûr qu’il ne croyait pas qu’on allait gagner, mais lorsque nous avons gagné, les autres chefs d’État sont venus le saluer, et j’étais très fier lorsque je voyais les autres présidents le saluer.
Camfoot.com: Et qu’est-ce qui a constitué la déception ?
Victor Ndip Akem : La petite déception comme je disais, c’est le fait qu’à la fin de la compétition nous n’ayons pas reçu tout ce qu’on nous a promis. On nous avait fait plein de promesses, dont des maisons. Le président Paul Biya avait demandé au directeur général de la SIC (Sociétaire Immobilière du Cameroun) qu’on nous donne les maisons ; jusqu’aujourd’hui rien…
Camfoot.com: Après la coupe du monde 90 avez-vous reçu des propositions pour aller jouer en Europe ?
Victor Ndip Akem : Après la coupe du monde, les dirigeants d’Auxerre en France ont envoyé les documents pour un éventuel transfert en France. Les documents sont arrivés à la Fecafoot et le président de l’époque Etotoké Epouné Albert a reçu les documents et a gardé dans son tiroir. Il y a un journaliste un certain Richard Milla qui vit actuellement en France qui m’a appelé et m’a dit, Victor tu viens à Auxerre ? Et je lui ai dit que je ne peux pas venir à Auxerre parce que Auxerre n’a rien envoyé comme document. C’est alors qu’il me dit que Auxerre a déjà envoyé lesdits documents. C’est lorsque le président Pierre Tamack est arrivé à la tête de la Fecafoot qu’il a découvert les documents et il a appelé Owona Bernard qui était le président de mon équipe, le Canon de Yaoundé pour lui montrer les documents, mais il était déjà tard.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui s’est passé en 1990 pour qu’on écarte Bell qui était bien parti pour être le numéro 1 ?
Victor Ndip Akem : Je vais vous dire beaucoup de choses. En 1990 avant la compétition lorsque nous étions à Bari en Yougoslavie, Bell était notre gardien numéro 1, parce que le coach Nepomniachi était clair, Bell était le numéro 1, Jacques Songo’o le numéro 2 et Clément Assimba le 3eme gardien.
Camfoot.com: Et Thomas Nkono dans tout ça ?
Victor Ndip Akem : Au départ Nkono n’était pas là, Nkono et Roger Milla sont arrivés après. Il y a des joueurs que je ne citerais pas ici, qui se sont opposés à leur intégration. Face à cette ambiance, Thomas Nkono voulait partir, je lui ai dit de ne pas partir, j’ai dit la même chose à Roger et j’ai dit aux autres que si Roger marque un but, nous avons notre prime parce que ces buts vont nous donner la victoire. Les gens m’ont combattu, mais finalement les deux sont restés.
Camfoot.com: Et comment Thomas Nkono devient le numéro 1 ?
Victor Ndip Akem : Joseph Antoine Bell avait accordé une interview dans le journal français, France Football où il disait qu’on s’entraînait dans un champ de patate et qu’on allait en coupe du monde pour les formalités. Malheureusement pour lui, le père de Yannick Noah a acheté le journal en France et est venu en Italie avec le journal qu’il a montré aux gens de la fédération qui ont alors décidé d’écarter Bell et de le renvoyer au pays. Nous les joueurs nous nous sommes opposés en disant qu’on ne peut pas laisser un seul joueur partir au pays, c’est pourquoi il est resté avec nous jusqu’à la fin de la compétition malgré sa mise à l’écart.
Camfoot.com: On dit également qu’il a réclamé les primes exorbitantes ce qui a fâché le ministre Joseph Fofé ?
Victor Ndip Akem : Bell n’a jamais été notre porte-parole, je le dis à haute voix, Bell n’a jamais été notre porte-parole. Notre porte-parole en 1990 c’était Eugène Ekeké. Si vous voulez, invitez-moi sur un même plateau avec Bell, Ekeké et je vais répéter la même chose. Quand Bell est parti voir les autorités, il est revenu et Mfédé Louis Paul lui a dit de retourner où il était parce que nous ne l’avons pas mandaté pour parler en notre nom.
Camfoot.com: Vous semblez exprimer un profond sentiment d’abandon des pouvoirs publics…
Victor Ndip Akem : C’est vrai, les anciens joueurs sont abandonnés, je ne parle pas de mon cas parce que vous voyez comment je prends du poids, c’est parce que j’ai essayé de planifier ma vie. Regardez les autres, ils sont où, regardez les Mbom Éphrem, ils sont abandonnés, les gens qui ont tracé le chemin pour nous, il faut que le Cameroun récompense les anciennes gloires.
Camfoot.com: D’aucuns pensent que certaines de ces anciennes gloires qui ont pourtant gagné beaucoup d’argent ont mal géré leur carrière ?
Victor Ndip Akem : Je crois qu’il ne faut pas généraliser, c’est vrai ce que vous dites, mais je ne pense pas que c’est une raison pour laisser les anciens à l’abandon. Il faut se rappeler de ce qu’ils ont fait et trouver quelque chose pour eux.
Camfoot.com: Votre jubilé est annoncé pour le 19 décembre 2009 à Kumba, pourquoi le choix de cette ville et pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour organiser votre jubilé ?
Victor Ndip Akem : Le jubilé de Ndip Akem Victor c’est le 19 décembre à Kumba comme vous avez dit. C’est son Excellence Roger Milla qui a pensé qu’il doit organiser le jubilé de tous ceux-là qui ont joué à ses côtés. Il a organisé le jubilé de Dang Dagobert à Obala, je ne savais pas que le prochain jubilé serait le mien. C’est à la télévision qu’il a déclaré qu’il allait organiser mon jubilé en décembre, je me suis donc rapproché de lui pour choisir la date du 19 décembre. C’est vrai que j’ai été capitaine de l’Union de Douala et de Canon de Yaoundé, mais si j’organise mon jubilé à Douala ou à Yaoundé il y aura 5000 personnes, mais à Kumba vous allez voir il y aura plus de 30.000 personnes. C’est à Kumba que tout a commercé et c’est là que tout finira officiellement.
Camfoot.com: Qui sont les joueurs qui vont venir à ce jubilé ?
Victor Ndip Akem : Les anciens comme moi, Thomas Nkono, Jacques Songo’o, tous ceux qui ont joué en 1990, 1994, tous ceux qui ont joué en 1982, son Excellence Roger Milla est en pourparler avec Diego Maradona pour qu’il vienne à Kumba pour voir le type qui l’avait barré en 1990 en Italie.
L’organisation d’un jubilé a un coup, qui va financer le vôtre ?
Victor Ndip Akem : L’Association Cœur d’Afrique de son Excellence Roger Milla et l’Association des Footballeurs Camerounais du président David Mayebi vont contacter les sponsors pour financer mon jubilé. Lors du jubilé de Dang Dagobert à Obala vous avez vu qu’il y avait le Pmuc, les Brasseries du Cameroun, la Fecafoot aussi avait beaucoup contribué pour la réussite du jubilé de Dang Dagobert. J’espère que pour mon jubilé la Fecafoot va faire six fois ce qu’elle fait pour Dang (Rires), parce que j’ai joué deux fois la coupe du monde, quatre fois la coupe d’Afrique des nations.
Camfoot.com: En tant qu’ancien joueur, quelle appréciation faites-vous du niveau actuel du championnat Camerounais ?
Victor Ndip Akem : Aujourd’hui le niveau de notre championnat a baissé parce qu’il y a des gens qui n’ont jamais joué au football, mais qui entraînent les enfants. Ils sont entrain de tuer les enfants par des exercices physiques inappropriés. Il y a également un problème de calendrier ; quand nous jouions au football, on démarrait le championnat en septembre et il y avait de bons résultats en coupe des clubs africains, mais aujourd’hui on commence le championnat en Février et après vous vous attendez à quel résultat.
Camfoot.com: Quel est l’entraîneur qui vous a marqué durant votre carrière que ce soit en club ou en équipe nationale ?
Victor Ndip Akem : L’entraîneur qui m’a marqué c’est Karl Heinz Wagen. Il a formé presque tous les joueurs que vous avez vu évoluer entre 1984 et 1994, il a beaucoup contribué dans le développement de notre football.
Camfoot.com: Les élections à la Fecafoot c’est pour bientôt et les anciens joueurs pensent que c’est le moment de remettre la gestion du football aux anciens joueurs. Est-ce votre cas aussi ?
Victor Ndip Akem : S’il y a un ancien joueur qui veut présider la Fecafoot qu’il pose sa candidature. Maintenant s’il n’y a pas un ancien joueur comme c’est visiblement le cas, je pense qu’il faut laisser cette fédération au président Iya Mohammed qui selon moi se bat pour révolutionner notre football. Il a pendant son mandat fait beaucoup de choses même s’il reste encore beaucoup de choses à faire.
Camfoot.com: Votre dernier mot ?
Victor Ndip Akem : Je félicite le président de la Fecafoot, je félicite le président de l’AFC et son Excellence Roger Milla. À l’endroit de la Fecafoot, je voudrais que le président Iya Mohammed sache qu’il y a des anciennes gloires qui ont beaucoup œuvré en faisant d’énormes sacrifices pour notre football. Il doit les associer comme cela se passe ailleurs. Voyez par exemple au Nigeria, on envoie Amokachi superviser les matches des adversaires des Super Eagles, pourquoi on ne peut pas faire la même chose au Cameroun ? On nous isole pour prendre les gens qui n’ont jamais joué au football pour jouer ce rôle.
Entretien mené par Guy Nsigué à Douala