Cela a eu l’effet d’un pétard mouillé. Depuis le 1er décembre dernier, date de la finition des travaux de la pose des gazons synthétiques de 3ème génération sur l’aire de jeu du stade de la Réunification de Douala, la cuvette Bépanda a retrouvé son calme habituel. Le tourbillon d’espoir soulevé dans la foulée des travaux s’est aussitôt estompé. Plus rien. Pas de réfection des autres compartiments du stade. Du coup, la belle pelouse fraîchement réfectionnée contraste avec le reste du compartiment du stade plongé dans un pourrissement ahurissant. Les panneaux de score sont inopérants. Les lampadaires sont plongés dans le noir. Les gradins envahis par d’énormes touffes d’herbes par endroits. La tribune d’honneur est complètement désuète. Les chaises brisées. Le tapis rouge volatilisé. La tribune de presse entièrement pourrie est hors d’usage depuis des lustres.
La descente dans les vestiaires est un exercice plutôt laborieux. L’aspect lugubre des lieux a obligé le ministre des sports et de l’Éducation physique à s’exclamer dans un humour noir : « êtes-vous sûrs qu’il n’y a pas de crocodiles là dedans ? », avait-il lancé, le ton presque moqueur, à l’endroit du directeur du stade de Douala entouré de quelques collaborateurs. Une visite de lieux et on est édifié sur la pourriture des lieux : les vestiaires plongés dans le noir. La forte odeur qui se dégage des toilettes renseigne sur la propriété des lieux. On en ressort aussitôt avec la conviction que les vestiaires du stade de la Réunification sont complètement inopérants. Et le ministre des Sports himself confirme le diagnostic : « Le stade de la Réunification est sérieusement sinistré. Vous avez des images. Vous avez vu vous-mêmes. C’est terrible. On ne peut pas continuer à utiliser un stade dans ces conditions-là. C’est même dangereux. Aussi bien pour ceux qui travaillent ici que pour les spectateurs qui pourraient venir pour le spectacle », avait lâché Thierry Augustin Edjoa à nos confrères du quotidien Le Jour.
Un constat amer qui a fait dire au patron des sports camerounais que « des travaux dans les toutes prochaines semaines afin d’arrimer ce stade au niveau des standards internationaux, aux normes Fifa. »
Réfection en janvier 2009
À quelle période les travaux pourraient reprendre à la cuvette de Bépanda ? Le ministre des Sports camerounais rassure: « Nous avons prévu dans le budget 2009 une petite somme d’argent qui nous permette quand même de faire les travaux les plus élémentaires, les plus urgents, pour que le terrain soit disponible ». Une déclaration qui surprend plus d’un lorsqu’on sait que le 1er décembre 2007, le Ministère des Sports, dans la foulée du démarrage des travaux de réfection de l’aire de jeu financé gracieusement par la Fifa, avait commandé un audit des autres compartiments (vestiaires, tribune d’honneur, de presse, gradins, lampadaires, panneaux lumineux, eau, électricité, etc). Selon nos sources, les résultats de l’audit prennent de la poussière dans les tiroirs du ministère des sports depuis plus d’un an. Et revoilà qu’aujourd’hui, le ministre dit attendre « une petite somme » dans le budget 2009 afin de relancer la réfection des autres compartiments du stade. « Si le budget 2009 est déjà à l’Assemblée nationale du Cameroun, il n’entre pas aussitôt en exécution puisque l’argent frais qui quitte du Trésor public arrive dans les caisses des Ministères en mars. Avec l’appel d’offres, les travaux pourraient commencer en avril et finir trois mois plus tard. On est bien parti pour réceptionner ce stade dans le meilleur des cas en juillet-Août 2009 », croit savoir un prestataire des services de l’Etat, habitué à gagner des marchés publics. Si cette thèse venait à se vérifier, le championnat 2008-2009 ne se jouerait donc jamais sur le stade de la Réunification puisqu’il sera fini depuis juin 2008.
C’est sans doute cette éventualité qui a obligé la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) à prendre des mesures conservatoires : « Le Ministère des Sports dit attendre le budget de l’État 2009 et vous connaissez la procédure de l’administration pour débloquer les fonds. Malheureusement, nous n’avons pas de temps à perdre, car les clubs de Douala (Union, Astres et Matelots) souffrent énormément de voir leurs matches délocalisés dans le Sud-Ouest. C’est la raison pour laquelle nous avons déjà débloqué environ 5 millions de Francs Cfa pour effectuer un minimum des travaux dans les vestiaires et dans les gradins, réparer le système d’eau », a annoncé à Camfoot M. Abdouraman, le responsable de la Communication de la Fécafoot. Selon notre source, la somme débloquée sera gérée par une Commission présidée par David Mayébi, conseiller spécial du président de la Fecafoot, par ailleurs président de l’association des footballeurs camerounais, une institution basée à Douala. Le constat est amer, en dehors de la ville de Yaoundé, l’état camerounais a lourdement démissionné depuis belle lurette en ce qui concerne les infrastructures sportives dans le reste du pays. Rien n’y fait, même un don de la Fifa n’émeut personne.
Un second stade omnisports à Douala
Lors de sa visite du 6 décembre dernier à Douala, le ministre des Sports et de l’Éducation physique (Minsep) était accompagné de son collègue des Domaines et des Affaires foncières, Pascal Anong Adibimé. L’arrivée des bâtisseurs chinois, auteurs d’un partenariat avec l’État du Cameroun en mai dernier, dans quelques semaines était le motif du déplacement des ces deux ministres qui voulaient s’assurer que l’espace retenu dans la banlieue de Yassa (une banlieue de Douala) pour la construction du nouveau stade Omnisports de 30 000 places est disponible.
En effet, environ seize hectares sont disponibles pour la mise en place du deuxième stade omnisports « semi-vélodrome » de la capitale économique. Ce joyau architectural sera doté d’un parking, des structures annexes telles des hôtels, des boutiques et autres espaces de loisirs et de relaxation. Du moins, c’est ce qui est prévu pour ce projet louable, mais toujours virtuel. Dans la foulée, la première phase de l’implémentation des clauses du partenariat sino-camerounais prévoit aussi, au bout de trois ans la construction des stades omnisports à Yaoundé, Limbe et Bafoussam. Parallèlement, le Minsep annonce également la mise en œuvre d’un Palais des sports au stade Mbappé Leppé de Douala (choix discutable) et la construction d’une piscine olympique sur une partie du parcours Vita au quartier Maképé à Douala.
Organiser la Can 2018 !
D’accès facile, le stade Omnisports en projet sera situé non loin du carrefour Yassa sur le nouvel axe en cours de bitumage, qui mène à Nyalla. Le délégué provincial des Domaines pour le Littoral, Pierre Kounou, précise que «le site choisi était initialement occupé par une entreprise qui a fermé boutique et le titre foncier sera établi dans les brefs délais». Pour ce qui est du stade Mbappé Leppé d’environ deux hectares et du parcours Vita de Maképé, ces espaces relèvent du domaine privé de l’État qui pourra en disposer comme bon lui semble.
Des chantiers similaires sont annoncés sur l’ensemble du territoire camerounais jusqu’en 2016 grâce au partenariat avec les Chinois. L’objectif, à en croire le ministre des Sports camerounais est de permettre au pays de Roger Milla de se porter candidat pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2018, puisque toutes les phases finales de la CAN sont attribuées jusqu’en 2016. Reste que le projet commence à prendre du retard, le début des travaux avait pourtant été annoncé pour novembre 2008. Depuis lors rien n’a réellement bougé sur le terrain, ce qui conforte le scepticisme de nombreux camerounais.
Eric Roland Kongou, à Douala