Avec le capitaine Amour Patrick Tignyemb, Bebey Kingue Paul Roland était les seuls amateurs parmi les 18 Lions Espoirs qui viennent de participer aux Jeux Olympiques Beijing 2008, où ils ont fait bonne figure, réalisant une prestation assez prometteuse, malgré l’élimination en ¼ de finale face au Brésil dans les conditions difficiles d’infériorité numérique. C’est un joueur épanoui et très sollicité que nous avons rencontré dans son fief à Douala.
Camfoot.com: : Etiez-vous surpris par votre sélection dans la liste de 18 Lions Espoirs et ensuite dans le 11 type du Cameroun ?
Paul Roland Bebey Kingue : Très sincèrement, je n’étais pas très surpris de ma sélection. Durante toutes les qualifications, j’ai joué les six matches qui nous ont permis de nous qualifier pour les Jeux Olympiques Beijing 2008. De plus, je bénéficiais du soutien du coach qui m’a toujours fait confiance et je crois que je ne l’ai pas déçu.
Camfoot.com: : Plusieurs joueurs du championnat national à l’instar de Frédéric Nguimbous (Usd) avaient pourtant joués les éliminatoires des J.O. et à la fin, ils n’ont pas été sélectionnés à cause de la concurrence d’autres Lions Espoirs qui évoluent en Europe…
Paul Roland Bebey Kingue : Lorsque vous regardez attentivement l’équipe des Lions, il n’y a pas des joueurs qui évoluent en Europe qui jouent à mon poste (latéral droit). Au championnat camerounais, j’étais le seul qui était convoqué régulièrement. Donc, je me disais que j’avais de fortes chances d’être sélectionné. Or, Nguimbous par exemple avaient une forte concurrence sur le côté arrière gauche avec les joueurs qui évoluent en Europe.
Camfoot.com: : Comment avez-vous vécu les Jeux Olympiques ?
Paul Roland Bebey Kingue : Il y a toujours le stress de la compétition. On ne sait toujours jamais comment ça va se passer. On a des inquiétudes mais, mais à la fin, on s’est adapté.
Camfoot.com: : Avec Tignyemb, Ndoumbé Bosso (le coach adjoint) et d’autres, vous avez eu des problèmes de visa lors des matches de préparation qui se déroulait en Europe. Cela ne vous a-t-il pas déstabilisé ?
Paul Roland Bebey Kingue : Des joueurs comme Ousmaïla Baba (Cotonsport), Amour Patrick Tignyemg (Tkc), Janvier Mbarga (Canon) et le coach adjoint, Ndoumbé Bosso on avait des problèmes pour rejoindre le groupe lors du premier stage à Lyon en France. Pour le second stage en Allemagne, il y a eu un malentendu entre l’ambassade et le ministère. Ce qui a fait qu’on n’a pas pu rejoindre à temps le reste du groupe puisque le stage durait juste pour cinq jours. On a simplement rejoint le groupe à Hong-Kong. Après cela, on a eu beaucoup de temps devant nous pour harmoniser notre jeu.
Camfoot.com: : Pendant toutes ces difficultés, avez-vous doutez à un moment ?
Paul Roland Bebey Kingue : Bien sûr ! On s’est dit que le coach pouvait nous remplacer par des joueurs évoluant en Europe car ils n’auraient plus de problèmes de visa puisque vivant déjà là-bas. On s’est dit qu’à un moment, ça pouvait jouer un sale tour. Dieu merci, le coach avait confiance en nous et on s’est battu pour avoir nos visas.
Camfoot.com: : Avant le premier match contre la Corée du Sud, vous avez eu un problème qui a hypothéqué la rencontre, vous la jouez et vous faites un match nul (1-1) contre la Corée du Sud…
Paul Roland Bebey Kingue : Oui et non. Au fond, c’est à mon retour au Cameroun après les Jeux olympiques que j’ai compris que j’ai un moral solide. A mes débuts en championnat d’élite camerounais par exemple, il y avait des matches qui me faisaient peur. Par contre, aux Jeux olympiques, j’étais impatient de jouer. Je voulais absolument qu’on joue rapidement pour voir à quoi ça ressemble. Le premier match n’a pas été particulièrement difficile pour moi. Je me disais que ceux qui étaient en face de moi n’ont pas trois pieds. Aujourd’hui, je peux vous avouer que je n’avais pas tremblé et j’étais plutôt confiant.
Camfoot.com: : Le fameux problème de prime a-t-il affecté le moral du groupe ?
Paul Roland Bebey Kingue : Même si on était fin prêt pour le tournoi, lors de notre premier match, on a laissé pas mal de notre concentration dans ces revendications de primes. Il ne faut pas oublier qu’il y avait beaucoup de joueurs professionnels parmi nous. A leur niveau il y avait un manque à gagner car leurs clubs respectifs avaient déjà commencé le championnat et certains gagnaient des matches qui pouvaient leur donner des primes. Donc, il y avait de quoi être touché moralement. Par contre, personnellement, c’était une grande fierté pour moi de jouer les Jeux olympiques surtout qu’au championnat camerounais, on ne gagne pas grand-chose.
Camfoot.com: : Combien les Lions Espoirs ont-ils finalement perçu en terme de primes ?
Paul Roland Bebey Kingue : Pour être franc, nous avons eu deux millions francs Cfa de primes ; un million donné le ministère des Sports et un million par la Fédération camerounaise de football. Nous avions également eu 180 dollars lors des stages de préparation. C’est tout.
Camfoot.com: : Pourtant vous avez gagné un match et fait un nul pendant les J.O. N’y avait-il pas des primes pour cela ?
Paul Roland Bebey Kingue : En dehors de ce que je viens de vous dire, on n’a rien eu d’autre.
Camfoot.com: : Bon nombre d’observateurs ont apprécié votre prestation, vous trouvant époustouflant contre la Corée et le Honduras, ce qui n’était pas toujours le cas avec les Astres. Qu’est-ce qui explique cette métamorphose aux J.O. ?
Paul Roland Bebey Kingue : Vous convenez avec moi qu’on n’a pas les structures adéquates au Cameroun. C’est bien plus facile, lorsque je quitte le Cameroun pour travailler dans un environnement serein. Nous sommes logés dans des bons hôtels, nous jouons sur bons stades, nous mangeons convenablement, la confiance du coach et des co-équipiers, tous ces éléments permettent d’être serein dans ma tête et de dérouler tout mon talent.
Camfoot.com: : Lorsqu’on est le seul joueur amateur de champ, avec le gardien Tignyemb, et par ailleurs titulaire au J.O. a-t-on encore la tête sur les épaules lorsqu’on revient au Cameroun ?
Paul Roland Bebey Kingue : Je commencerais par dire merci à Dieu pour cette grâce qu’il m’a faite. Pour répondre à votre question, bien sûr que j’ai toujours la tête sur les épaules. Depuis mon retour, mon téléphone ne cesse de sonner. Il y a toujours beaucoup de personnes qui viennent me saluer à la maison au quartier Bonabéri. Je suis sollicité de gauche. Mais je dis qu’il y a bien de talents qui pouvaient également faire l’affaire, c’était mon cas. L’important dans ce genre de compétition, c’est d’être mis en confiance.
Camfoot.com: : Quel est votre challenge maintenant ?
Paul Roland Bebey Kingue : En quittant le Cameroun, je me suis promis de montrer au public et à l’encadrement technique que les amateurs peuvent également mériter d’aller au haut niveau comme les Jeux olympiques. Voilà autant de choses qui me motivaient. Aujourd’hui je suis en pleine confiance pour tout nouveau challenge, ici ou ailleurs.
Camfoot.com: : On imagine que jouer aux côtés de grandes star telles que Diego, Anderson, Ronaldinho, ça pousse forcément des ailles…
Paul Roland Bebey Kingue : En ce moment, je me dis que tout le Cameroun a les yeux rivés sur moi, je veux absolument défendre les couleurs de mon pays. Concernant le Brésil, je rappelle que j’étais dans les gradins car ayant écopé de deux cartons jaunes qui ne m’ont pas permis de jouer le match de ¼ de finale. Mais dans ce match particulièrement, on a manqué de concentration. Surtout que les brésiliens s’étaient énormément querellés avant le match. Il fallait qu’on profite de cette faiblesse de leur part pour nous imposer. Hélas ! On a pêché par la précipitation.
Camfoot.com: : Pourquoi les brésiliens s’étaient-ils querellés ?
Paul Roland Bebey Kingue : Je crois savoir que les co-équipiers de Ronaldinho critiquaient la tactique mise sur pied par leur coach qui ne leur permettait pas d’évoluer comme ils voulaient. Vous savez, les joueurs brésiliens, du gardien jusqu’à l’attaquant, ont la réputation de tous vouloir inscrire des buts. Et ce jour là, on était bien en place. On les a empêché de jouer. Vous avez vu Ronaldinho avait maille à partir avec son latéral gauche Cicinho à qui il demandait qu’il lui fasse des passes. Or ce dernier rétorquait qu’il voulaient bien il a déjà un joueur plus proche de lui que de faire de longues passes…
Camfoot.com: : Revenons sur la discipline côté camerounais. Il y a Albert Baning qui écope de deux cartons rouges. Vous étiez suspendu pour deux avertissements. Et lors du match contre le Brésil, le Cameroun écope de 7 cartons jaunes. Qu’est-ce qui peut expliquer cette indiscipline alors que l’équipe était constituée à plus de 95% des pro?
Paul Roland Bebey Kingue : Nous avons beaucoup critiqué l’arbitrage. Lors des visionnages après chaque match, on constatait que les officiels étaient très sévères envers nous contrairement à nos adversaires, peut-être parce que nous sommes africains. A un moment donné, on était frustré et c’est comme si on voulait nous faire justice nous-même. Si la compétition allait plus loin, on devait avoir des problèmes à cause de tous ces avertissements.
Camfoot.com: : Vous vous plaignez de l’arbitrage alors qu’il y avait aussi la Côte d’Ivoire et surtout le Nigeria qui est arrivé en finale et qui ne s’est pas plaint autant que le Cameroun…
Paul Roland Bebey Kingue : Je crois que nos grands frères, les Lions indomptables seniors sont passés par là. Vous savez, le Cameroun a la réputation de jouer physique.
Camfoot.com: : Comment était l’ambiance dans les hôtels où vous étiez logés ?
Paul Roland Bebey Kingue : L’ambiance était bonne enfant. On se croisait dans les couloirs et les ascenseurs avec nos adversaires qui étaient dans le même hôtel que nous, on se saluait juste. (Rires). On se saluait comme les boxeurs en voulant intimider l’autre par le regard. Notre consigne était claire : fixer droit dans les yeux nos adversaires pour leur montrer qu’on n’a pas de complexe et que le jour du match, on montrera que nous sommes les Lions indomptables.
Camfoot.com: : Après l’élimination des Lions, quelle était l’ambiance dans les vestiaires ?
Paul Roland Bebey Kingue : Tout le monde était abattu. Parce qu’on n’a pas forcé sur le destin. Le capitaine Amour Patrick Tignyemb et moi, les seuls amateurs du groupe, étions les plus abattus car on comptait au moins aller en demi-finale pour frapper davantage dans l’œil des recruteurs européens. Hélas ! Mais le coach nous a remonté le moral en nous rappelant que nous sommes encore jeunes et que nous avons l’avenir devant nous.
Camfoot.com: : Pourtant, votre téléphone sonne sans arrêt pendant cette interview. On a l’impression que vous êtes sollicité par beaucoup d’agent de joueurs…
Paul Roland Bebey Kingue : Désolé, je ne vous ai pas averti depuis le début de cette interview. Je suis un footballeur chrétien et tout ce que je fais, c’est par la volonté de Dieu et c’est décide à ma place. Au quartier, j’ai l’habitude de dire aux gens que « j’attends le mandat de Dieu », j’attends que Dieu sonne sa cloche pour me combler de bénédictions.
Camfoot.com: : On imagine que devant beaucoup de sollicitations de clubs nationaux comme étrangers, vous priez Dieu de vous orientez et faire le bon choix ?
Paul Roland Bebey Kingue : Bien sûr, il y a beaucoup de propositions de recrutement qui se présentent à moi depuis mon retour des J.O. J’attends que mon père qui est mon Dieu me dise la conduite à tenir. Je peux vous assurer que je suis contacté par plusieurs clubs en Europe. J’attends la suite.
Camfoot.com: : Et si ça ne marche pas. Êtes-vous prêt à revenir jouer dans les Astres où irez-vous dans un club du championnat d’élite du Cameroun ?
Paul Roland Bebey Kingue : En ce moment, je suis arrivé en fin de contrat avec les Astres. Et si ça ne marche pas, je verrais…mais si je ne vais pas en Europe et s’il fallait rejouer au Cameroun, je crois que j’aurais plus de chance de jouer avec les Astres.
Entretien avec Eric Roland Kongou, à Douala
Repère :
Né le 9 novembre 1986 à Douala, Bebey Kingue Paul Roland qui se concentre très tôt au football, après le décès de son père qui l’en interdisait, sera formé au « Centre Espoir de Yaoundé » en 1999. Très vite, il joue dans Fenerbache, un club de D2 de la ligue provinciale du Centre. Lors de la saison 2001-2002, il joue à Renaissance de Ngoumou qui est en relégué en mi-saison en 2004 à cause d’un championnat à deux poules mis en place par la Fédération camerounaise de football. Renaissance en D2, Bebey Kingue finit la saison avec Bandja Fc (D2 Ouest) où il est prêté. L’année d’après, il revient dans Impôts Fc, un autre club de D2 de la ligue du Centre avec qui il gagne la Coupe du Cameroun devant Unisport de Bafang, un club de l’élite du championnat camerounais.
Après la Coupe du Coupe du Cameroun, Impôts Fc monte en D1 en 2006. Bebey Kingue est ensuite dans les Astres de Douala où il évolue en 2007 et 2008. Mais pendant deux saisons, le latéral droit reconnaît avoir livré à peine 20 matches avec les Astres. Et pour cause, après être sélectionné en 2004 par les coaches de Lions junior, il est toujours sélectionné avec les Lions A’ à partir de 2007 où il migrera vers les Lions Espoirs. Les stages préparatoires aux six matches éliminatoires aux J.O. 2008 permettent de faire de lui le latéral titulaire du 11 type du coach Ntoungou Mpillé.