Face à une équipe de Manchester ultra défensive, les Barcelonais n’ont jamais réussi à trouver la clé du verrou. La qualification se jouera au retour. Pour jouer ce match importantissime, Rijkaard ne pouvait pas compter sur son capitaine Carles Puyol suspendu, et choisissait ainsi de donner sa confiance à Rafael Marquez dont la saison n’avait été jusque là qu’une longue suite de blessures. Thuram, dont on pouvait craindre la lenteur face à Rooney et Ronaldo, était donc sur le banc après son voyage en Martinique pour assister aux obsèques d’Aimé Césaire. Le reste de la défense était très classique avec Zambrotta, Milito, et Abidal.
Au milieu, Touré répondait une nouvelle fois présent malgré ses problèmes de dos aux côtés du capitaine du soir Xavi et du revenant Deco. La titularisation du Portugais était la grosse surprise de cette composition catalane, et pour cause, le Portuguais n’avait plus foulé une pelouse en match officiel depuis quasiment deux mois et avait été laissé sur le banc face à l’Espanyol le week-end dernier pour son retour dans le groupe.
Cette titularisation entraînait le décalage sur l’aile gauche de Iniesta au détriment de Henry, revenu d’une grippe, et de Bojan, titulaire lors des dernières rencontres. Messi retrouvait lui aussi sa place de titulaire après deux entrées en cours de jeu en Liga depuis son retour de blessure et complétait l’attaque avec Samuel Eto’o.
Du côté de Manchester, le gros souci de Ferguson consistait dans l’absence de dernière minute de Vidic. Plutôt que d’offrir à Piqué l’opportunité de revenir en titulaire sur ses terres de formation, le coach écossais choisissait de placer Hargreaves au poste de latéral droit et de faire glisser Brown en défense centrale aux côtés du capitaine Ferdinand, tandis qu’Evra était logiquement chargé à gauche d’enrayer la puce atomique nommée Leo Messi. Au milieu, point d’Anderson, mais Scholes, Carrick et Park. Devant, Tevez était aligné avec Ronaldo et Rooney dans ce qui semblait être sur le papier une option offensive.
Le match débuta, chose peu commune, par son tournant. Dès la 2ème minute Manchester se procurait un corner que Ronaldo, insaisissable dans le jeu aérien, reprenait au nez et à la barbe de Milito… mais pas de ses mains ! L’Argentin, l’une des rares satisfactions cette saison, plongeait le Camp Nou en plein cauchemar en concédant bêtement un penalty après moins de 100 secondes de jeu ! Tireur attitré des Mancuniens, Ronaldo s’avançait pour transformer la sentence… mais il expédiait le ballon un bon mètre à côté et ce sans avoir marqué son traditionnel temps d’arrêt ! Le soulagement du stade et du banc catalan était à la hauteur de la peur bleue qui l’avait saisie. L’histoire de ce match aurait été sans doute très différente si le Portugais avait inscrit son huitième but de la compétition dès l’entame de match. Mais le football n’est pas juste et il ne connaît pas les « si ».
La suite du match est assez simple à résumer : une attaque-défense avec un Barça dominateur mais impuissant, et un Manchester solide mais sans ambition. Le match des titans annoncé entre les deux potentiels offensifs les plus excitants du vieux continent tournait au match de hand avec un nombre d’occasions franches assez rachitique. Côté Manchester, les barbelés étaient donc de sortie avec un double rideau très resserré et un énorme travail de replacement de la part des supposés attaquants qu’étaient Ronaldo, Tevez et surtout Rooney dont la position tenait plus du latéral droit que de l’avant centre… L’objectif de Ferguson était ainsi clairement de ne surtout pas prendre de but et de tout miser sur la vitesse de ses attaquants (recyclés l’espace d’une soirée en défenseurs) pour gicler rapidement et profiter des brèches.
Côté Barça, la monopolisation du ballon tournait trop souvent à la passe à dix stérile. Rien, ni les ouvertures de Marquez ou Xavi, ni même les éclairs de Leo Messi, ne parvenait à transpercer la défense mancunienne : en dehors de deux ou trois centres en retrait au potentiel meurtrier gâché par une mauvaise coordination entre passeur et receveur, le Barça se contentait de frappes de loin déviées pour la plupart ou insuffisamment puissantes. Incapable de bien exploiter ses corners et surtout ses coups franc obtenus suite aux multiples fautes commises par Manchester dans sa moitié de terrain, le Barça s’en retournait au vestiaire avec un match nul doublement paradoxal : premièrement parce que le Barça n’avait pas trouvé le chemin des filets malgré sa domination très nette et deuxièmement parce qu’il avait gardé sa cage inviolée malgré un penalty raté et un autre non sifflé ! Bien que sur certains ralentis, l’obstruction de Marquez sur Ronaldo (30’) soit moins nette qu’à vitesse réelle, il ne fait aucun doute qu’au milieu de terrain, l’arbitre aurait sifflé. Sans doute influencé par le fait qu’il avait déjà accordé un penalty à Manchester et par la réputation du joueur, l’homme au sifflet estimait ainsi que Ronaldo s’était laissé tomber, ce qui comportait une petite part de vérité : on a effectivement connu un Ronaldo capable de résister à des charges plus violentes…
Cette « occasion » de Manchester ne découlait absolument pas du plan tactique mis en place par Ferguson, à savoir le contre supersonique, mais d’une erreur incroyable de relance de la part d’Iniesta. Plus globalement la tactique de Manchester consistant à vite se projeter rapidement vers l’avant n’a jamais abouti au moindre semblant d’occasion. Les rares incursions des Red Devils se sont ainsi résumées à des coups de pied arrêtés peu dangereux ou donc à des récupérations hautes. Mais l’essentiel pour Manchester ne semblait pas être de marquer, d’où un accent mis sur la densification défensive de l’axe où le Barça aime tant faire la différence avec Xavi, Deco, Iniesta, Messi ou Eto’o. A ce niveau là, Ferguson n’a fait qu’appliquer la recette de Schuster en décembre 2006 ou celle de Porto Allegre en finale du mondial des clubs… Contrairement aux légendes urbaines qui parlent d’un jeu catalan passant sur les ailes, le jeu du Barça est en effet caractérisé depuis plusieurs saisons par un repiquage systématique au centre lorsque le ballon arrive dans les 25 derniers mètres. Ni Leo Messi, ni Andres Iniesta (ou avant lui Ronaldinho) ne prennent le couloir jusqu’au bout et il recherchent à chaque fois la solution en une-deux ou en pénétration dans l’axe, tandis que les latéraux de par leur manque de confiance/talent/complicité (rayez la mention inutile) ne dédoublent et ne centrent quasiment jamais. Tout le contraire de Manchester qui lui exploite à merveille les couloirs et marque un nombre incalculable de buts à la suite de centres. Enfin en temps normal, car au Camp Nou, c’était davantage un clone du pire Chelsea qu’un successeur du MU de Cole et Yorke qui s’offrait aux yeux des spectateurs.
En effet la physionomie de la partie ne changeait pas d’un iota après le repos, avec toujours cette même impuissance catalane à mettre hors de position le bloc défensif de MU, et toujours cette absence totale d’ambition dans le jeu de la part de MU. Le Barça une seule fois sût trouver la vitesse, le mouvement et in fine le décalage : à la 52ème minute, Messi combinait avec Deco pour trouver Iniesta qui d’une petite talonnade laissait filer le ballon à Eto’o en pleine surface. Hélas cette action de très grande classe n’aboutissait pas, la faute à une frappe quelque peu dévissée du Camerounais. Avant cela Zambrotta avait tenté sa chance de loin (50’) sans plus de succès, et Eto’o n’avait pas su trouver Messi en retrait à la suite d’un incroyable deux contre un dans la surface découlant d’une récupération rageuse de l’Argentin dans les pieds de Ferdinand (51’).
Manchester tentait de réagir à ce début d’avarie et à la suite d’un corner mal dégagé, Carrick crochetait un Marquez un peu naïf pour décocher une frappe du gauche juste à côté : c’était la meilleure occasion du match de Manchester (53’). Le match semblait alors pouvoir s’emballer, mais le Barça continuait à s’empaler dans l’axe ou à tenter infructueusement sa chance de loin. Le poison Messi, à court d’endurance, cédait finalement sa place à Bojan (61’), tandis que Manchester n’arrivait toujours pas à sortir de sa moitié de terrain ou à mettre le pied sur le cuir. A la 70ème minute, toujours à la suite d’une maladresse dans la relance, Ronaldo était repris avec virilité par Abidal dans la surface. Là encore la décision de l’arbitre de ne rien siffler était très critiquable car le tacle un peu kamikaze d’Abidal était tout sauf un modèle de propreté… Deux minutes plus tard c’était cette fois ci une intervention d’Evra dans la surface sur Iniesta qui était sujette à polémique (72’). La fin de match malgré les changements (entrée de Henry pour Deco, de Nani pour Rooney et de Giggs pour Tevez) ne voyait aucun rebondissement particulier si ce n’est une frappe puissante de Henry (83′) et deux coups francs dangereux de Xavi et de ce même Henry.
Les deux équipes sont sans doute satisfaites du résultat, malgré les regrets qu’elles peuvent toutes deux nourir : Manchester avec le penalty raté et ceux non sifflés, et la Barça avec sa domination mal récompensée. Manchester était venu pour défendre et n’a pas encaissé de but : mission accomplie de ce niveau là. Toutefois un 0-0 à l’extérieur est-il un si bon résultat que cela ? Le Barça qui nageait lui en plein marasme a montré qu’il méritait sa place de demi-finaliste, et avec ce 0-0, il pourra se satisfaire d’un simple match nul avec des buts au retour. Plus facile à dire qu’à faire toutefois quand on connaît les performances du Barça à l’extérieur depuis deux saisons, et la qualité de Manchester dans son antre. Mais face à une équipe qui montrera enfin qu’elle sait attaquer, le Barça s’il arrive à ne pas couler défensivement aura sans doute davantage d’opportunités pour aller inquiéter Van Der Sar : on voit mal Rooney refaire le même marathon défensif…
Les joueurs :
Valdes 6 :
Chômage technique
Zambrotta : 7
Son meilleur match de la saison et de très loin. Brillant défensivement, propre dans sa relance et même assez disponible offensivement dans son couloir, il a fait oublié au moins l’espace d’une soirée le désastre que constitue sa saison. Et s’il continuait sur cette formidable lancée ?
Marquez : 6
Très sûr, il a été autoritaire sur Tevez ou Ronaldo. Deux bémols : son carton jaune synonyme de suspension (quoique en cas de finale il est sûr d’y être…) et son « absence » sur l’action de Carrick. Son jeu long a offert des opportunités intéressantes et a donné des options au jeu blaugrana qui en avait bien besoin.
Milito : 4,5
Une première demi-heure désastreuse avec un penalty concédé, des interventions très violentes sur Tevez ou Ronaldo, et une relance peu assurée. La suite fût plus convaincante.
Abidal : 6
Très sérieux défensivement, il a apporté par moment le surnombre dans son couloir mais sans grande conviction. Auteur d’un tacle plus que limite sur Ronaldo, il a une nouvelle fois montré un comportement peu réfléchi dans la surface…
Touré : 8
Et il joue sous infiltration ? Monstrueux dans la récupération et l’orientation du jeu, une tour de contrôle irremplaçable.
Deco : 7
Son rendement était la grande inconnue de l’avant match. Malgré un léger manque d’explosivité et de lucidité à la fin de ses actions et une tendance à vite se retrouver par terre, il a parfaitement endossé le costume de patron du milieu de terrain avec envie et détermination. Il a ce petit truc qu’Iniesta et Xavi n’ont pas notamment au niveau du replacement, des duels et de la gestion du tempo. Avec lui le milieu semble plus costaud. Remplacé par Henry (76′) dont l’entrée aurait pu être plus précoce.
Xavi : 6
Capitaine du soir, il a beaucoup tenté de loin. Souvent impuissant pour trouver ses coéquipiers dans l’entonnoir, il a néanmoins fait preuve d’une grande capacité à garder le ballon.
Messi : 7
C’est un magicien balle au pied (même s’il n’a pas tout passé) et sa sortie a donné lieu à un nette baisse de la production offensive barcelonaise. Il n’a toutefois jamais réussi à faire la différence définitive et joue très mal le coup avec Eto’o en seconde mi-temps sur un deux contre un. Il a tout donné que ce soit dans le replacement ou l’engagement physique.
Remplacé à la 61’ par Bojan encore un peu tendre pour ce très très haut niveau là.
Eto’o : 6
Maladroit dans la finition ou le dernier geste avec il est vrai quelque micro secondes seulement pour prendre une décision vu l’étouffant marquage de MU. Il a exercé un pressing de tous les instants et a avalé les kilomètres au service de son équipe. Précieux mais pas décisif.
Iniesta : 5,5
Une énorme erreur de relance qui aurait pu (dû) coûter un penalty. Il n’a jamais fait la différence balle au pied et ses passes ont été impuissantes pour trouver les intervalles. Match globalement correct mais on espérait plus.
Fiche technique :
FC Barcelone : Valdés – Zambrotta, Milito, Márquez, Abidal – Xavi, Touré, Deco (Henry, 76′) – Messi (Bojan, 61′), Eto’o, Iniesta.
Manchester United FC : Van der Sar – Hargreaves, Ferdinand, Brown, Evra – Carrick, Scholes, Park – Rooney (Nani, 75′), Cristiano Ronaldo, Tevez (Giggs, 84′).
Arbitre : Massimo Busacca
Avertissement : Márquez (43′) ; Hargreaves (72′)
Suspendu au prochain match : Marquez
ClanBarcelona