Je vous le donne volontiers : M. Edjoa m’a beaucoup surpris à la suite de sa diatribe à l’égard de la Fécafoot. Il a dit quelques sottises habituelles, bien sûr, c’est de rigueur. Pas la peine de revenir sur son truc sur le droit suisse auquel obéit la FIFA et son allusion stupéfiante à l’incapacité de la Fécafoot de construire des stades. Il n’a pas l’excuse d’avoir été un élève de notre fameuse école d’administration, mais on lui pardonne sans problème.
Ce qui m’a agréablement surpris de la part du ministre, c’est d’entendre enfin un homme public s’émouvoir au sujet de la dépense de deniers publics. Ce n’est pas rien, M. le Ministre, lorsque vous dites à M. Iya de ne pas vous chercher, parce que lui, il n’a rien payé et il n’entend rien payer. Là, vous êtes comme moi : lorsque je paie, qui me cherche me trouve.
Il faut le dire clairement. C’est une chose pour la Fécafoot de se draper dans les oripeaux de chouchou de la FIFA, mais c’est une autre chose drôlement moins facile que de plonger ses mains dans le cambouis. Les muscadins de la légitimité footballistique sont des sots, évidemment, lorsqu’ils font donner la FIFA chaque fois qu’on s’interroge sur leur action et, plus souvent, sur leur incurie. Par exemple : qui a jamais empêché la Fécafoot de financer les Lions ? Qui l’empêche de verser des primes, de payer des billets d’avion pour le bénéfice d’autres personnes que ses membres, d’acheter des équipements, de prendre en main le destin du football au Cameroun de façon responsable et crédible?
Decret du 31 octobre 1972La Fécafoot, nous l’avons toujours dit sur ces pages, a l’autorité et la légitimité nécessaires pour gérer le football camerounais. Nous sommes prêts à épouser toute querelle raisonnable et légitime de la Fécafoot avec le MINSEP. Encore faut-il que la Fécafoot montre des signes d’une activité positive. M. Abdouraman se répand-il dans les gazettes pour susciter notre pitié ou exposer clairement les croupières que l’action du MINSEP taille à la Fécafoot ?
L’antienne de la vierge offensée que la Fécafoot entonne régulièrement commence à perdre de son attrait. La Fécafoot n’a qu’à s’en prendre à elle-même si elle ne réussit pas à mobiliser suffisamment de bonnes volontés pour faire pièce aux incursions du MINSEP dans sa sphère de compétence. La suspicion que nous avons à l’égard des membres de cette association n’est rien à côté du mal que font dans les esprits le flou et les ténèbres dans lesquels la Fécafoot gère ses ressources. Pourquoi M. Abdouraman ne nous explique-t-il pas comment sont gérés les fonds reçus de la FIFA, des compétitions internationales, des sponsorings ? La Fécafoot est-elle vraiment incapable, en dépit du soutien de sponsors de grand nom comme PUMA, PMUC, Orange, de payer les primes des Lions ? Si M. Abdouraman ne peut pas nous donner l’heure juste à cet égard, nous sommes en droit de lui conseiller amicalement d’aller plutôt pleurer chez sa maman.
Cela dit, M. Edjoa, qui ne se sent plus depuis la finale inespérée d’Accra, aurait tort de bomber le torse parce qu’il tape sur plus réservé que lui. D’abord la Fécafoot n’est pas un petit service du MINSEP qu’il peut traiter publiquement avec dédain et condescendance. Ensuite, s’agissant de la responsabilité financière, la performance du MINSEP est loin d’être exemplaire, et je ne parle pas seulement de la perpétuation du système des sacs d’argent liquide au cours des déplacements.
Je parle surtout de la sollicitude avec laquelle doivent être dépensées les ressources publiques. Dépenser 50 millions d’argent public en primes par joueur est, comme l’a d’ailleurs souligné avec raison M. Iya, une décision irresponsable dans le contexte du football camerounais. Dans un pays moderne, de telles ressources publiques ne peuvent pas être distraites de l’objectif fondamental, à savoir l’élévation du bien-être du plus grand nombre possible, pour la satisfaction d’un petit groupe de privilégiés. Aucun Parlement n’accorderait à un ministre l’autorisation d’effectuer une telle dépense, et je serais étonné de savoir que Ngoa-Ekélé a donné son aval. Le business de l’État du Cameroun n’est pas de verser des primes à quelques footballeurs ; ce n’est donc pas le travail d’un ministre.
Mais cela est bel et bien le travail de M. Iya. Si le ministre pense que M. Iya a de l’argent, pourquoi se substitue-t-il à lui alors ? C’est justement aux fédérations de football qu’il revient de chercher, auprès de sources privées en complément de la participation publique, les ressources nécessaires pour financer le développement du sport. M. Edjoa doit bien le savoir. Pourquoi s’entête-t-il à aider M. Iya, qui ne semble pas apprécier son concours ? Qu’il le laisse donc se pendre tout seul, et qu’il s’occupe enfin du volley-ball.