L’ancien international Camerounais a été aperçu au stade militaire de Yaoundé, lors d’un match
amical mettant aux prises les lions juniors aux lions
espoirs. Entre autres sujets abordés, le match des lions indomptables contre les Lone Star, l’avenir de l’équipe nationale, ses activités et ses ambitions.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui peut justifier votre présence ici au
stade militaire de Yaoundé pour un match entre deux
sélections jeunes ?
Jean Claude Pagal:
Un footballeur aime voir ses jeunes frères jouer.
Les raisons de ma présence ici sont tout autre, mais
la première est le plaisir de voir les enfants évoluer.
Camfoot.com: Lorsque vous voyez l’aire de jeu sur laquelle ces
enfants évoluent, que vous dites-vous ? N’y a-t-il pas beaucoup de choses à faire ?
Jean Claude Pagal:
Vous avez raison, mais je crois ce n’est pas mal non
plus de jouer sur ce genre de terrain parce qu’ils
vont progresser et lorsqu’ils seront de l’autre côté
de la barrière, s’ils gardent souvenance de ces matchs
joués dans ces conditions, ils pourront garder une
certaine humilité.
Camfoot.com: On vous a aperçu samedi au stade Omnisports de Yaoundé
lors de ce match Cameroun-Liberia, en tant que ancien
lion indomptable, comment vous avez trouvé la
prestation des lions ?
Jean Claude Pagal:
Tout entraîneur serait fier de cette belle victoire. Ils ont fait ce qui était nécessaire, à savoir prendre
trois points. Maintenant, ce qu’on peut dire c’est
qu’il faut un peu plus d’harmonie entre eux et ce sera
plus plaisant à regarder.
Camfoot.com: Pourtant ils sont nombreux à penser que malgré cette victoire, le jeu déployé par les lions samedi n’était pas convaincant ?
Jean Claude Pagal:
Vous savez le football n’est pas une science exacte. Elle est exacte lorsque vous avez fait tous les gestes
qu’il faut faire correctement, mais il y a des moments
où rien ne vous réussi. On peut passer à côté du
sujet. Certaines équipes se sont qualifiées pour des
coupes du monde en jouant très mal. D’autres, en jouant
très bien se sont fait éliminer. Pour
moi l’important est que l’équipe du Cameroun gagne ses
matchs et avec cette confiance de victoire, le beau
jeu sera reviendra.
Camfoot.com: Le débat
est lancé sur la place publique concernant l’avenir de Jules Nyongha à la tête de l’équipe. Que pensez-vous justement de la pertinence d’avoir un expatrié plutôt qu’un national ?
Jean Claude Pagal:
Il est temps que cet encadrement revienne
aux nationaux. Je n’ai pas
encore vu en France un entraîneur de couleur,
quelqu’un qui change un peu l’environnement qui
nous est imposé en Europe. Nous avons Rijkaard en
Espagne, Tigana qui a
entraîné à Monaco, et en Angleterre, mais ce ne sont que des entraîneurs de club et pas d’équipes nationales.
Je crois qu’il faut qu’on assume ce fait d’être
capable de bien faire. Platini a quitté le football et
a été entraîneur national. Je crois que ce n’est pas
une science bien compliquée. Je crois que tout
footballeur international sait ce que c’est que le
football. Si on peut enfin remettre ces sélections
nationales aux footballeurs, ce serait une bonne
chose.
Camfoot.com: Justement, il y a une opinion qui pense que l’équipe
nationale doit être confiée aux anciens lions que vous
êtes ?
Jean Claude Pagal:
Il n’y a que des anciens joueurs qui peuvent
comprendre leurs jeunes coéquipiers, ( rires). Il y a aussi un entraîneur
qui a gagné les jeux Olympiques, qui a montré ses
compétences, pourquoi ne pas lui donner les rênes? Je
crois que ce ne sera pas plus mal, et maintenant
autour de lui mettre des gens qui seraient
susceptibles de l’accompagner et d’être ses
remplaçants demain.
Camfoot.com: Est-ce que cette équipe des lions indomptables n’est
pas finalement difficile à entraîner, surtout
lorsqu’on sait qu’elle regorge en son sein des joueurs
qui évoluent dans les plus grands championnats du
monde ?
Jean Claude Pagal:
Je vais vous poser une question, si vous avez une
femme qui est une bonne ménagère, et vous prenez une
jeune femme qui n’est pas ménagère du tout, entre nous
qu’elle est la femme qui tiendra le plus votre maison
?
Ce que je veux dire c’est qu’il y a rien de
plus facile à gérer qu’un professionnel, il sait ce
qu’il a faire, il faut simplement le mettre dans de bonnes
dispositions. Je ne me permettrais
pas de prendre Samuel Eto’o pour le faire évoluer au poste de latéral gauche, même si je sais qu’il peut s’en sortir vu ses qualités et sa connaissance du football.
Il y a un homme que j’ai aimé, c’est Cruyff, avec son football total, sans limite, celui qui est avant centre peut se retrouver
libero et vis versa. C’est la situation qui impose ce
que nous devons faire. C’est plus facile d’encadrer
des professionnels que les amateurs, un amateur il
faut beaucoup lui apprendre, mais un professionnel il
sait ce qu’il a à faire, il sait se gérer.
Camfoot.com: Vous êtes de ceux-là qui ont façonné le label Lion
Indomptable, selon vous pourquoi le lion ne
fait plus peur ?
Jean Claude Pagal:
Ce n’est pas que le lion ne fait plus peur, le lion
n’a jamais fait peur, le lion a toujours été capable
de jouer au football et d’exprimer ce qu’il avait de
mieux. Aujourd’hui peut-être que les gens qui jouent
ici n’ont plus la même motivation. Si vous prenez en
équipe nationale senior, tous les joueurs viennent de
l’étranger et aucn joueur du championnat nationale n’en fait parti. Dans ce cas, l’émulation est un peu compliquée, et tous les jeunes se disent qu’il vaut mieux partir
pour avoir sa chance. L’avenir de cette équipe c’est
aussi avec les joueurs qui sont ici, pas seulement
ceux qui sont partis. Eto’o n’est pas né en Europe, il
a joué ici, ça veut dire qu’il y a du talent au
Cameroun, un talent qu’il faut dénicher et entraîner
comme a fait Kadji avec les Eto’o , Kameni et autres.
Camfoot.com: On parle de plus en plus d’indiscipline dans cette
équipe, des joueurs qui se tirent dessus par médias
interposés, est-ce que à votre époque ce genre de
chose existait aussi ?
Jean Claude Pagal:
(Hésitations) Les rapports entre individus pour moi ne sont pas de l’indiscipline, c’est des états d’âme. Je
ne suis pas très au courant de tout cela. Personnellement je n’ai jamais été partisan des
séparations. Quand nous jouions à l’équipe nationale, On s’amusait tous beaucoup. Des anecdotes, il y en a beaucoup. Il arrivait qu’on se parle tous en Bassa, même Stephen Tataw qui
était Anglo. Même si son Bassa n’était vraiment pas bon, tout le monde éclatait de rire. Cela mettait de l’ambiance. Je crois
que quand on est joueur professionnel, cela devrait être le
perfectionnement dans ce qu’on fait. C’est pourquoi
l’indiscipline n’est pas concevable.
Camfoot.com: Est-ce la faute du flot d’argent qui circule dans le football ?
Jean Claude Pagal:
Quand on jouait dans les lions, honnêtement on ne
touchait pas beaucoup d’argent. Si on joue au football
c’est parce qu’on aime. Aucun enfant que vous voyez
dans la rue ne joue au football parce qu’il veut
simplement être star. Il joue parce qu’il a les
qualités de footballeur. Quand on est sur le terrain,
on ne peut pas penser à l’argent. Quand je jouais, il
y a des gens à côté de moi, blanc qui touchait 30
millions de Frs CFA, j’en avais 5, 6 parfois 7, mais
ça ne me dérangeait pas, sur le terrain il fallait se
battre pour gagner. A cette époque, quand on était
black, c’était difficile de gagner vraiment de
l’argent, mais aujourd’hui vous êtes noir, vous êtes
bon vous en avez plus qu’avant. On nous disait, tu
joues déjà au football et tu joues déjà en France, tu
joues dans notre équipe, tu dois te contenter de ce
que tu gagnes, c’était un peu l’esclavage. Je suis
content qu’aujourd’hui les joueurs de couleur ont un
meilleur traitement.
Camfoot.com: Avec tout ce que vous avez vécu, est-ce qu’il vous
arrive parfois de regretter d’avoir jouer au football
?
Jean Claude Pagal:
J’ai joué au football parce que je voulais avoir le
plaisir de jouer au football. Je suis heureux d’avoir joué au football, je ne peux pas le regretter. Cela a fait de moi quelqu’un de concis, quelqu’un qui sait entre guillemets se gérer. Il y a
que Dieu qui est parfait, en tout cas, le football m’a
aidé à me faire connaître, à me construire une
personnalité et je ne peux pas regretter.
Camfoot.com: Quel est le meilleur souvenir que vous gardez du football ?
Jean Claude Pagal:
Le plus beau match de ma vie. C’était aux entraînements
avec les lions en 90 à Fassano en Italie. On a fait un
match d’entraînement de préparation avant le match
contre l’Angleterre. J’ai fait un match fabuleux, mais
c’était aux entraînements. C’est souvent comme çà,
parfois on touche le ciel, pas dans la
compétition, mais en dehors. Ce jour, on a joué
pendant une heure et demie chacun était au sommet de
son art.
Camfoot.com: Et le mauvais souvenir qui vous revient constamment à
l’esprit ?
Jean Claude Pagal:
C’est simplement le fait que certains se sont servis
du football pour se faire de l’argent, que certains se
soient servis du travail des autres pour se faire de
l’argent. Certains pensent qu’on joue au football pour
se faire du pognon, le pognon vient quand on est bon.
Eto’o est simplement bon, il est parmi les joueurs les
mieux payés au monde. A notre époque, il y avait de
très bons joueurs comme Milla, mais il ne gagnait
absolument rien.
Camfoot.com: Est-ce qu’il est arrivé une fois qu’on vous consulte
sur les problèmes du football Camerounais ?
Jean Claude Pagal:
Les seuls qui ont l’amabilité de me consulter sont les
journalistes, pour les autres, c’est rarissime.
Dernièrement, j’ai eu une petite discussion téléphonique avec
le ministre des Sports. Il m’avait dit que si j’étais
dans les parages, il était près à me recevoir. Il y a
des gens qui vous accueillent comme ça et vous vous
dites qu’il ne vit pas au Cameroun. Il m’a parlez au
téléphone, j’avais comme impression que je parlais à
mon grand frère, mais avec tout le respect. C’était
vraiment le grand frère comme on voudrait partager
avec lui des moments. Ce n’était qu’au téléphone,
imaginez-vous si je l’avais rencontré, ça devait être
quelque chose de fabuleux. Il m’a dit que je pouvais
l’appeler qu’on pouvait se rencontrer sans problème.
Camfoot.com: Que devient Jean Claude Pagal ?
Jean Claude Pagal:
Je suis là, je réponds à vos questions (rires). Regarder les enfants jouer, donner mon opinion pour la
bonne marche de notre football. Je reste un amoureux
du football qui continue à être près des stades, près
des joueurs. Il m’arrive de travailler pour certains
clubs, et pour certains joueurs. J’ai des diplômes
d’entraîneur. J’ai voulu entraîner en France,
je n’ai pas eu de poste, ce qui m’a déçu et je me suis
dit, c’est le milieu qui est comme ça.
Camfoot.com: Et vous ne pouvez pas entraîner un club au Cameroun parce que personne ne peut vous payer ?
Jean Claude Pagal:
Il y a moyen de trouver de l’argent pour payer tout le
monde, il suffit d’imposer aux grandes boites, aux
banques, aux sociétés forestières de s’investir
chacune dans un club, le club de leurs villes. Si on
paye 200 mille Frs CFA par mois pour les meilleurs,
100 mille Frs CFA pour ceux qui viennent et 50 mille pour
les stagiaires, ce n’est pas la mer à boire.
Camfoot.com: Merci beaucoup Jean Claude Pagal…
Jean Claude Pagal:
Je vous en prie, c’est moi qui vous remercie et à très
bientôt.
Entretien mené par Guy Nsigué à Yaoundé