Marcos Webo a 5 ans et vit à Montevideo en Uruguay. Le petit a reçu ces derniers jours le plus beau des cadeaux: la visite de son père. L’attaquant d’Osasuna a eu cet enfant d’une relation antérieure avant d’avoir 20 ans, alors qu’il vivait en Uruguay. Ils peuvent à peine se voir une ou deux fois par an, mais ils se parlent tous les jours.
Le fait de ne pas voir Marcos plus souvent est dur pour Pierre Achille Webo, d’où l’immense plaisir qu’il avait en allant passer les fêtes de Noël dans ce pays d’Amérique du sud.
Idole du public d’Osasuna, simple, travailleur né, fier de ses racines et conscient des graves problèmes de son continent, Webo a partagé avant son départ ses tristesses et ses joies d’une année faite de hauts et de bas pour lui.
-Vous avez apparemment gagné les vacances promises par Ziganda.
–Pierre Achille Webo: Oui, mais au-delà des vacances, ce qu’on voulait c’était de gagner des points et transformer la mauvaise série en une bonne. Les balles qui allaient à côté avant frappent maintenant le poteau et rentre dans le but. Nous avions fait une promesse à l’entraîneur et nous l’avons respectée. Nous sommes tous heureux pour lui et pour nous. Et aussi parce que nous avons plus de temps de vacances…
-Partir après avoir engrangé toutes ses victoires fera que vous vous en allez plus heureux pour les fêtes.
-C’est vrai. Il y a un mois on avait 8 points et on était très inquiets. Quoi qu’il arrive, nous avons maintenant une marge. Osasuna est une équipe qui doit se maintenir (en première division) et nous avions besoin de ce matelas pour nous en aller tranquillement et revenir en janvier moins anxieux.
-À quel point cela vous affecte que l’équipe soit assez bien pour s’en aller plus content?
-Ce n’est pas la même chose de jouer quand tu es dans une série victorieuse et quand tu es dans une situation comme celle que nous traversions il y a un mois. Les victoires donnent confiance et la motivation est différente. On ne s’entraîne pas non plus de la même façon quand on est dans une mauvaise phase. En ce moment on voit bien la joie et les gens sont plus hardis.
-Parlons de vous. C’est une année bizarre qui s’achève.
-Effectivement. Je ne m’étais pas senti comme ça depuis l’année durant laquelle j’étais à Leganés. Il y a eu une succession de choses peu agréables. Mais ce qui m’a toujours aidé c’est la constance, le travail, le courage, la foi que j’ai. Ça a été une année très difficile. Ça a commencé en janvier avec la Coupe d’Afrique, quand je suis rentré blessé, puis j’ai dû regarder le Mondial à la télé, puis je suis tombé malade et j’ai raté la pré saison, puis il y eu l’occasion manquée devant Hambourg… L’entraîneur m’a donné des chances, mais j’ai perdu ma place après. Jusqu’au match contre Villaréal, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu. J’ai eu beaucoup de hauts et de bas, mais l’important c’est que Osasuna est bien et les gens sont heureux, cela fait avancer.
-Ce fut une année intense…
-Je souhaite qu’elle prenne fin très vite et que la nouvelle année commence.
-Vous auriez pu vous en souvenir pour des choses aussi belle comme votre première participation à la Ligue des Champions.
-Et mon premier Mondial, et ma première Coupe d’Afrique… Mais c’est déjà du passé et je suis maintenant fort physiquement et psychologiquement. Je veux commencer l’année avec la même énergie et avancer. J’ai encore un long chemin à parcourir.
-Quels sont vos plans pour les prochains jours?
-Je pars en Uruguay voir mon fils. J’y serai jusqu’au 31 et le reste du temps, je resterai tranquillement en Espagne pour revenir en bonnes conditions physiques l’année prochaine.
-Avez-vous passé d’autres Noëls avec votre fils Marcos?
-C’est la première fois depuis que je suis en Espagne. Ça me fait vraiment grand plaisir d’être avec lui, il dit qu’il m’attend. C’est mon fils ! –son visage s’illumine-. J’ai envie de l’amener partout, l’écouter me raconter toutes les tonnes de choses qu’il veut. Je suis surexcité…
-Est-il venu à Pampelune cette année?
-Après la Coupe d’Afrique, quand j’étais blessé.
-Le fait de le voir vous remplit d’énergie.
-Toujours, toujours… C’est un bon garçon. Il a cinq ans. Et je suis son joueur favori à la playstation –Il rigole-.
-Sait-il que son père est un joueur important de la Première division?
-Important non…Il sait que je joue ici et chaque fois que je joue il me regarde à la télé. C’est sa façon d’être en connexion avec moi, de me voir.
-Vous parlez beaucoup au téléphone?
-Tous les jours, tous les jours. Et quand je marque un but, je ne vous dis même pas…
– Lui demandez-vous de ne pas s’inquiéter quand vous n’alliez pas bien?
-Je n’étais pas si mal à ce moment-là. Je pouvais au moins m’entraîner. Quand tu vas mal, c’est quand tu es blessé. Tant que j’ai mes deux pieds, je vais continuer à me battre, car ça dépend de moi.
-Vous en êtes à votre cinquième saison (à Osasuna). Quelle impression gardez-vous de tout ce temps?
-Ce n’est pas le même Webo qui est arrivé ici. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les gens. Ma manière de jouer n’est pas la même, je pense qu’elle a évolué, autant à Osasuna qu’en sélection. L’affection des gens m’a fait grandir. Osasuna m’a tout donné et ce que je suis aujourd’hui en Europe, je le dois à mon club. Quelque chose de très important pour moi, c’est que les gens sont toujours été là, que je joue bien ou mal… Ce que ce public ressent pour moi est difficile à expliquer. Je l’ai également vécu en Uruguay, le public a une affection particulière pour moi et ce sont des choses qui marquent, qui te font te sentir bien et aimer la ville. J’ai de bons amis.
-Que vous disent les gens dans la rue?
-Toujours des paroles gentilles.
-Et comment réagissez-vous ?
-Avec les plus grands, je suis timide, mais je vais toujours vers les jeunes. J’ai l’habitude de m’arrêter, je n’ai pas de problème.
–Vous avez dit tout à l’heure que ce que vous êtes en Europe, vous le devez à Osasuna. Est-ce que l’intérêt d’autres équipes européennes pour vous vous a perturbé à un moment?
-Non, c’est motivant. Il y a des rumeurs, mais elles ne doivent pas obséder. J’ai vu l’expérience d’autres joueurs en Uruguay qui pensaient qu’ils allaient aller en Europe. Moi-même au départ, je pensais que j’allais aller en Italie ou en Angleterre, je pensais peu à l’Espagne. Et j’ai fini en Espagne…Je suis battant tranquille, car je me sens bien et pour partir, il faudrait que je trouve quelque chose de très bien pour moi, pour mon équipe et pour ma famille. J’ai des amis qui sont partis et qui aimeraient maintenant revenir. Il y a peu d’endroits pareils à Pampelune. Pas seulement à cause du mode de vie, mais aussi pour l’équipe, les gens. Ici on vit en paix et on te laisse travailler, et comme je suis ma vie me va très bien.
-Vous avez évoqué des moments difficiles. Jusqu’à quel point le match de Hambourg vous a affecté ?
– Ce serait un mensonge de dire que ça ne m’a pas touché. Les coéquipiers m’encourageaient tout le temps, mais moi je considérais que j’avais gâché le travail de beaucoup d’années. C’était la dernière minute… ! Si ça avait été à la 10e minute, on ne l’aurait pas autant remarqué. De même, si j’avais inscrit ce but, on m’aurait hissé un monument à Pampelune, mais le ballon n’est malheureusement pas entré, c’était un tir en force, et la balle est montée –il est pensif-… Ça se remarque… Pour la première fois, j’étais mal en rentrant aux vestiaires. Les enfants me disaient: «C’est pas grave». Mais tu te dis: «Pourquoi ça ne s’est pas passé autrement?». Pour le Mondial, j’ai aussi pensé: «Pourquoi ça m’arrive à moi ?» J’ai pris la décision d’être plus fort. J’ai beaucoup appris de cela, des mauvais moments. Aujourd’hui je suis plus fort du point de vue du courage que le jour du match de Hambourg.
-Combien de nuits de sommeil avez-vous perdu?
-Je ne m’en souviens pas, sauf d’une. Je repensais à l’action: quand je suis tombé dans les buts, j’ai levé la tête et il y avait une dame qui me regardait avec les mains sur la tête. Et j’ai pensé : «Qu’est ce que j’ai fait?». Ça a encore été pire après l’action suivante, car ç’aurait pu être une belle revanche.
-Que demandez-vous à 2007?
-Santé, bonheur, qu’il n y ait plus la faim dans le monde, ni la guerre. On peut vivre en se battant, mais sans la guerre ni la famine. Que les enfants soient heureux et aient des chances.
-Il semble qu’on ne se souvient de ces choses qu’à la période de Noël.
-C’est vrai, c’est comme si on est plus sensible. Mais il y a la guerre toute l’année en Irak, au Liban et Khartoum (Soudan), et les enfants souffrent de la famine en Somalie. Ce sont les choses qui me font mal, comme le problème de l’immigration. Ce sont des images qui m’empêchent de dormir, beaucoup plus que les problèmes que je peux avoir.
-Que ressentez-vous chaque fois que vous vous rendez en Afrique dans votre continent?
-L’envie de venir en aide. Mais tu as la sensation d’être limité. Il y a des centaines, des milliers de personnes. Un litre de lait peut rendre heureux une famille pendant toute une journée. Ça fait mal. Quand je rentre chez moi, j’essaie toujours d’aider, mais je n’y arrive jamais.
-Ça ne vous angoisse pas?
-Ça me donne envie de travailler encore plus.
-Que souhaiteriez-vous qu’il soit fait pour mettre fin à ce problème grave et éviter que les gens meurent dans la mer?
-Moi-même je ne sais pas ce qu’on peut faire pour aider les frères qui se trouvent là-bas. Il n y a pas de solution. Les gens sont désespérés. Un ami m’a dit un jour : «Là-bas, on aura des problèmes, mais j’aurai une télévision et je mangerai tous les jours, au moins une fois.». Ça te fait réfléchir. La situation est critique. Je pense que au lieu de fermer les frontières, les dirigeants ici devraient essayer de les aider à mieux vivre dans leurs pays. Il n y a pas seulement ceux qui arrivent ici, mais aussi ceux qui meurent en chemin. Les camerounais qui quittent mon pays traversent tout le désert à pied dans de très mauvaises conditions. Il y a des gens qui sont venus me voir à Tajonar et M’ont raconté les conditions dans lesquelles ils ont voyagé…et moi en un jour, je prends un avion et je suis au Cameroun. Ça me donne envie de pleurer… Je leur dirais, et ils ne m’écouteront pas comme d’habitude, d’essayer d’aider en améliorant les infrastructures. Sinon, ils viendront toujours. La motivation qu’ils ont ne peut pas être refrénée avec des barrières. J’ai vécu dans ces conditions et je sais de quoi je parle.
-Racontez-nous vos fêtes de Noël quand vous étiez gamin.
-C’était un jour spécial à la maison. Il y avait des entrées, de plat de résistance et le dessert. Franchement, pour les enfants d’Afrique, c’est le paradis,. Moi quand j’étais gamin, je n’avais pas de jouets. Le premier cadeau que m’a fait ma mère, c’était mes chaussures de foot. Elle avait appris dans le quartier que je courais après la balle et un jour, elle m’a acheté des godasses, avec tout le sacrifice que cela représentait pour elle. Jusque-là, je jouais avec les mêmes souliers que je portais pour aller à l’école. J’ai des photos qui en témoignent.
-Maintenant que vous allez avoir 25 ans, qu’est-ce qui vous fait le plus plaisir en ces jours?
-Voir mon fils et bien faire mon travail pour rendre les gens heureux. Voir les gens heureux n’a pas de prix.
Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga
Source : Deportesde Navarra