Au Cameroun, il fait partie des légendes vivantes du football. Léonard Nséké fait partie des joueurs qui ont constitué la première cuvée des Lions indomptables en 1960. Il était alors le capitaine des autres légendes telles que Isack Mbetté et Mbappé Leppé.
Cet originaire de Souza (Dibombari), un faubourg de Douala, a « entraîné presque tous les clubs de 1ère et 2ème division du Cameroun » mais aussi des Lions Indomptables.
Titulaire des diplômes d’entraîneur en France et en Allemagne, il va compléter son cursus professionnel avec plusieurs stages de la confédération africaine de football. En 1972, il est nommé directeur national adjoint à côté de Peter Schneider. Lorsqu’un certain Jules Frédéric (actuel deuxième coach des Lions) démissionne de la direction technique, Léonard Nséké, après plusieurs chassés-croisés à la tête des Lions indomptables, est rappelé dare-dare pour sauver les meubles. Objectif : qualifier les Lions indomptables pour la coupe du monde 1994 aux États-Unis. Mission qu’il remplira avec succès. En retraite depuis une quinzaine d’années, Léonard Nséké, après une brillante carrière de joueur et d’entraîneur national, est depuis 2001, directeur technique de l’École de football Brasserie du Cameroun. Un célèbre centre qui a formé plusieurs joueurs camerounais au rang desquels Rigobert Song, Samuel Eto’o, Pierre Womé, Eric Djemba Djemba, Ngom Komé, Geremi Njitap, etc. Camfoot.com est allé à la rencontre de cette légende pour apprécier et évaluer la prestation des Lions indomptables à la coupe d’Afrique des nations où ils ont déjà obtenu leur ticket pour les quarts de finale.
Camfoot.com: Contre toute attente, le Cameroun fait une entrée fracassante à la Can en écrasant l’Angola d’entrée de jeu (3-1). Comment expliquez-vous cela ? Est-ce une surprise ?
Léonard Nséké: Moi je vous parlerais plutôt de prise sûre. Ce n’est pas parce que l’Angola est mondialiste que le Cameroun perd son rang de grande nation de football en Afrique. Tout le monde pensait que l’Angola étant à la coupe du monde, avait quelque chose de plus que le Cameroun. Malheureusement, ce n’est pas le cas. L’Angola avait le défi de prouver qu’elle n’avait pas usurpé son titre de mondialiste. Dès lors, battre les Lions indomptables, c’était un grand coup, car la coupe d’Afrique des nations pour eux pouvait s’arrêter à ce niveau. C’est la raison pour laquelle ils ont trop ouvert le jeu. Le Cameroun n’a pas voulu et ne pouvait pas accepter que l’Angola, fut-elle mondialiste, vienne traîner son image dans la boue. Résultat, les Lions gagnent 3 buts à 1.
Camfoot.com: Comment avez-vous trouvé la prestation des Lions indomptables face au Togo ?
Léonard Nséké: Quand on prend le quotient de production des Lions depuis le début de la Can, on peut dire que c’est positif. Lors du second match contre le Togo, certains disent que les deux buts sont venus en seconde mi-temps. Je ne vois pas où se trouve le problème. Un match de football, c’est 90 minutes. Qu’on marque les buts à la 1ère ou à la 90è minute, le but est important dès lors qu’il est validé; ce n’est pas un problème de circonstance ni d’opportunisme. La première mi-temps a été très difficile, parce que les togolais étaient dos au mur et il leur fallait absolument une victoire. Les lions n’ont trouvé la faille qu’en seconde mi-temps. Conséquence, nous sommes qualifiés en quart de finale à l’issue de deux matches. Dans une compétition comme la Can, il n’y a plus de petit pays. Une petite sélection peut tenir tête à une grande nation et vice versa. Maintenant, il faut penser déjà au quart de finale, car chaque rencontre est un nouveau défi, un nouveau challenge.
Camfoot.com: Vous reconnaissez que ce match contre le Togo a été difficile, quelle a été la clé du succès camerounais?
Léonard Nséké: C’est la témérité et l’esprit de la gagne. Le véritable problème des Lions, c’est d’avoir été éliminé de la coupe du monde. Dès lors, personne et aucun ne concevrait qu’une nation de référence comme le Cameroun sorte de la Can dès le premier tour. Voilà la motivation principale. De plus, la nouvelle cuvée des Lions, en plus des ‘’vieux » Lions qui iront bientôt en retraite, ont orchestré cette victoire. Ces jeunes joueurs sont en quête d’affirmation, chacun veut convaincre et montrer qu’il mérite d’être à la Can. Il était donc normal que les camerounais se transcendent.
Camfoot.com: On remarque tout de même que le flanc gauche et la charnière centrale de la défense des Lions donnent des sueurs froides…
Léonard Nséké: Les gens trouveront toujours à redire quelque soit l’équipe qui est en place. Par rapport aux opinions des uns, on peut avoir une bonne défense et prendre des buts. Le coach Artur Jorge en formant sa défense a estimé que c’est la meilleure qui soit. Il est vrai, quand on entre dans le domaine de la réaction circonstancielle et par rapport à la position, on peut avoir quelques frayeurs au cœur de la défense camerounaise du moment où on met à la fois Kalla Nkongo et Rigobert Song. En ce qui concerne le capitaine, ça rugit encore même si les réactions commencent à faiblir. Chez Kalla, il y a de l’expérience, il a beaucoup de compétitions dans les jambes et il commence à être un tout peu fatigué dans ses réactions, mais il n’y a pas quoi s’alarmer du moment qu’il tient encore. Mais, retenez que les erreurs ne manqueront jamais même si on met en place les meilleurs joueurs de la planète.
Camfoot.com: Bikey a-t-il l’affaire ?
Léonard Nséké: C’est difficile d’apprécier les jeunes qui viennent d’arriver à l’équipe nationale. Mais Bikey a bien joué son rôle dans le temps qu’il a mis sur le terrain. Il a montré que les Lions peuvent compter sur lui.
Camfoot.com: En dehors de Bikey qui est entré en cours du jeu, il y a également Olembe et Meyong Ze qui a inscrit le second but. Le banc de touche camerounais semble-t-il aussi intéressant que les partants?
Léonard Nséké: Ce qu’il faut savoir, ce qu’on n’est pas au banc parce qu’on vaut moins que les titulaires. Ces jeunes qui sont appelés à l’équipe nationale ont du talent. Si on prend l’exemple de ceux qui sont à la Can, on voit que tous évoluent à l’étranger dans des championnats professionnels. Même si pour le moment ils ne sont dans tous dans de grands clubs en Europe, ils sont dans de compétitions relevées où les choses sont très bien organisées et ils s’entraînent très bien. Ceux qui sont au banc de touche ne sont pas des laisser-pour comptes. Ils sont aussi talentueux que ceux qui sont titulaires.
Camfoot.com: En quart de finale, le Cameroun rencontre soit la Côte-d’Ivoire, soit l’Égypte. Pensez-vous que les Elephanta que les Lions ont gagné en aller et retour lors des éliminatoires Can/Mondial 2006 peuvent faire un sursaut d’orgueil ?
Léonard Nséké: Ce sera un match à couteau ! Dire que les Lions indomptables ont dompté dernièrement les Éléphants par deux fois et qu’ils vont encore le faire serait un mauvais raisonnement. Du côté des Ivoiriens, ils ne vont pas accepter de se faire battre tous les jours par les Camerounais. Ce sera un match très difficile. C’est vrai que la Côte d’Ivoire, bien qualifiée pour les quarts de finale, ne convainc pas, et qu’en face, le Cameroun est en forme. Mais nous sommes dans une course de résistance où on peut avoir l’impression qu’un adversaire ne va pas vite. Mais les Lions ne doivent pas se laisser endormir par la Côte d’Ivoire. Il y a des équipes qui démarrent comme des moteurs diesel dont la vitesse augmente au fur et à mesure que la compétition avance. La rencontre sera d’autant plus épicée que du côté ivoirien, il y aura un certain Didier Drogba, l’un des meilleurs attaquants africains de l’heure et du côté camerounais, il y a le troisième meilleur joueur mondial, Samuel Eto’o. Rien que ces deux joueurs donnent du charme à la rencontre. Donc, si le Cameroun venait à rencontrer la Côte d’Ivoire, l’issue du match sera un suspense à couper au couteau. Ce sera très difficile de faire un pronostic.
Camfoot.com: Et si les Lions croisent en ¼ de finale l’Égypte qui est le pays organisateur et qui a toujours donné du fil à retordre au Cameroun ?
Léonard Nséké: Le premier avantage de l’Égypte est qu’elle joue à domicile. Mais c’est aussi un désavantage parce que lorsqu’on ne supporte pas la pression, on risque de craquer. A l’instar du Cameroun qui a toujours créé les ennuis aux Ivoiriens, les Égyptiens sont la bête noire des Camerounais au regard de différentes confrontations qui opposé les deux pays. Mais le chef d’État camerounais a l’habitude de dire, le Cameroun, c’est le Cameroun et qu’impossible n’est pas camerounais. Mais au regard de la flamme qui brûle à l’intérieur des Lions depuis le début de la Can, la confrontation sera très relevée. Ce sera aussi un match au couteau !
Camfoot.com: Au regard des matches de la Can que vous regardez jusqu’à présent, quel est votre appréciation du niveau du football africain ?
Léonard Nséké: Le niveau est suffisamment élevé. Regardez la physionomie de toutes les équipes nationales à cette Can, il y a beaucoup de joueurs qui évoluent dans de grands championnats dans le monde entier. Ceux-là ont beaucoup d’expériences et ça rehausse la qualité du football africain. Malheureusement au niveau national, le niveau du football est très bas surtout en Afrique sub-saharienne ou non seulement il manque de moyens financiers mais en plus, il est miné par des problèmes de gestions et d’organisation. Mais au niveau des sélections nationales, l’Afrique n’a pas à rougir devant les grandes nations.
Propos recueillis par Eric Roland Kongou à Douala