« Il faut expliquer le rôle d’un agent ». Deux Agents de joueurs, Siméon Songo, de la promotion, septembre 2003 et Martin Atangana Omgba de la promotion mars 2004, ont accepté de se prêter à notre jeu.
Qu’en est-il de l’association des agents de joueurs qu’on dit en gestation ?
Siméon Songo : Elle est toujours en gestation. Mais j’espère plus pour longtemps. Il devient de plus en plus urgent pour les agents de joueurs camerounais de se réunir.
Martin Atangana Omgba : J’en ai vaguement entendu parler, toutefois personne ne m’a contacté dans ce sens.
Quels sont ces objectifs à court, moyen et long terme ?
Siméon Songo : Dans un premier temps, il faudra faire connaître un peu plus notre métier, créer un cadre de solidarité entre les agents pour éviter de se marcher sur les pieds et affronter ensemble les difficultés sur le terrain. A long terme, nous devrions former un véritable corps de métier.
Martin Atangana Omgba : A priori il s’agit de moraliser la profession.
Comment êtes-vous personnellement structurés et organisés?
Siméon Songo : J’ai opté pour le travail en association avec d’autres collègues. J’estime qu’à plusieurs on est plus efficace. Il est aussi indispensable de travailler avec des partenaires à l’étranger. Dans cette optique, je suis par exemple associé au Cabinet argentin Futbolistas Argentinos. (futbolistasargentinos.com).
Martin Atangana Omgba : Sur le plan technique, j’ai engagé un ancien joueur de première division pour la détection des joueurs. Je travaille également en collaboration avec un avocat spécialisé en droit du sport basé en France.
Rencontrez-vous les difficultés dans l’exercice de votre métier ?
Siméon Songo : Les difficultés sont de plusieurs ordres : d’abord sur le plan de la logistique, un agent doit énormément voyager et téléphoner, ce qui n’est pas toujours évident. Une autre difficulté tient de la méconnaissance de nos activités par la majorité des acteurs du foot national. Pour finir, l’honnêteté et la franchise n’étant pas toujours les choses les mieux partagées dans notre milieu, les conditions de travail y sont souvent semblables à celle de la jungle, malgré les textes de la Fifa. Cela n’est pas exclusif au cameroun.
Martin Atangana Omgba : Le plus souvent, j’ai à faire à des personnes qui ne savent pas véritablement ce qu’est un agent de joueurs. Il faut donc expliquer régulièrement aux familles et aux joueurs quel est le rôle d’un agent dans la carrière d’un footballeur.
Pourquoi les agents camerounais ne s’impliquent-ils pas dans les marchés de transferts du championnat national afin de l’animer et de donner de la consistance à votre métier et au football camerounais ?
Siméon Songo : Nous le ferions volontiers ! Pour cela il faudrait cependant constituer une chaîne avec les autres acteurs du football (joueurs, présidents de club, entraîneurs et dirigeants de la fédération, etc.), ce qui est loin d’être le cas actuellement.
Martin Atangana Omgba : Il faut encore un peu de temps pour que tous les acteurs du football camerounais s’habituent à notre présence. Cependant, je pense effectivement que notre implication sur les transferts nationaux donnerait plus de consistance au football camerounais. Malheureusement certains de mes confrères ne pensent qu’aux transferts de joueurs vers l’Europe plus juteux financièrement.
Ne vous rendez-vous pas compte que le football camerounais a perdu de son intérêt parce que vous ne vous impliquez pas ?
Siméon Songo : Non. Il faudrait chercher les causes de ce déclin d’intérêt dans la gestion archaïque que nous remarquons à tous les niveaux, matérialisée par une très grande confusion dans les rôles de tout un chacun, la quasi inexistence des infrastructures et une politique de formation au rabais.
Martin Atangana Omgba : Non, le football camerounais a perdu de l’intérêt en raison de l’exode massif de nos joueurs vers des contrées parfois insolites telles que le Bangladesh et ce avec la complicité des dirigeants de notre football. A partir du moment ou des joueurs moyens vont en aventure en Europe, avec ou sans le concours d’agents véreux, qui ne sont intéressés que par l’argent en ne se souciant pas du devenir de ces joueurs, le football camerounais ne peut que perdre de son intérêt.
Comment expliquez-vous votre propension à l’exode des jeunes talents non confirmés et dans une autre mesure aux joueurs sélectionnés ?
Siméon Songo : La propension à l’exode n’est pas la nôtre mais bel et bien celle des joueurs. Parfois ils nous demandent de leur trouver des clubs n’importe où, même en enfer, pourvu que ce soit hors de la sous-région de l’Afrique Centrale. C’est un drame qui n’est pas d’ailleurs exclusif aux joueurs, car on le retrouve dans toutes les couches de la population. La méconnaissance de la réalité à l’extérieur y est certainement pour beaucoup. A ce moment précis, nous devons jouer notre rôle de conseiller.
Martin Atangana Omgba : Il est plus facile de placer un joueur sélectionné par le fait que certaines associations nationales telles que la France ou l’Italie imposent au moins une sélection nationale à tout joueur venant d’Afrique au contraire de la Belgique ou de l’Allemagne.
Quels sont vos rapports avec les présidents de clubs et les joueurs ?
Siméon Songo : Nous ne vendons pas les joueurs, mais nous gérons leur carrière. Pour le moment, les présidents de clubs et les joueurs se méfient plutôt de nous. Tandis que les premiers nous prennent pour des concurrents à éviter, pour les seconds nous sommes ni plus ni moins que des escrocs. Ce climat de méfiance est beaucoup plus dû à la méconnaissance de notre rôle qu’à autre chose. La réalité est très simple : nous sommes condamnés à être des partenaires. Dans un milieu voué au professionnalisme, les agents de joueurs sont de plus en plus incontournables. La réforme « libéralisant » ce métier ne datant que de 2001, je reste optimiste pour les prochaines saisons.
Martin Atangana Omgba : L’agent de joueur est une personne physique dont l’activité consiste, à mettre en rapport régulièrement et contre rémunération, un joueur et un club en vue de la conclusion d’un contrat de travail ou deux clubs en vue de la conclusion d’un contrat de transfert. A ce titre mes rapports avec les présidents de club et les joueurs sont plutôt bons. Pour les uns, il s’agit de renflouer les caisses vides et pour les autres il s’agit de sortir de l’anonymat du football camerounais.
Présentez-nous votre carnet d’activités dans les transferts à ce jour?
Siméon Songo : J’ai avec moi quelques valeurs montantes du football camerounais. Certaines passent d’ailleurs actuellement leur test de recrutement. Souffrez que je n’en dise pas plus.
Martin Atangana Omgba : Bien qu’agent de joueurs depuis bientôt 4 mois, j’ai réalisé deux transferts au niveau national à la mi-saison. J’ai par ailleurs été contacté récemment par un club de la province de l’Ouest qui évolue en Super Ligue nationale pour la promotion internationale de ses joueurs.
Les agents de joueurs ont mauvaise presse. A quoi cela tient et est-ce justifié ?
Siméon Songo : La mauvaise réputation est rarement le fait des agents licenciés qui travaillent dans le respect d’un code de déontologie. En revanche, les agents non licenciés (les « clandos » ou « managers du quartier ») qui sont de loin majoritaires ternissent l’image de marque de ce métier. En général, ils mettent leurs intérêts devant ceux des joueurs. Au lieu de nous traiter tous de négriers, les médias devraient aider les joueurs et les clubs à distinguer les vrais agents des faux.
Martin Atangana Omgba : Le problème dans notre profession, comme dans toutes les autres professions c’est qu’il n’y a pas que des gens honnêtes. En effet, certains agents rançonnent les familles des joueurs en leurs promettant monts et merveilles puis s’évaporent dans la nature. Il existe aussi le problème de toutes ces personnes qui sillonnent les quartiers se faisant passer pour des agents, alors qu’elles ne sont reconnues par aucune instance du football. Hormis ces cas qui peuvent justifier la mauvaise réputation des agents de joueurs, il me semble que la plupart des agents de joueurs au Cameroun exercent leur profession dans le respect du règlement de la Fifa gouvernant notre activité et du code de déontologie.
Que savez-vous de l’histoire d’agent de joueurs au Cameroun ?
Siméon Songo : Il s’agit d’une histoire plutôt officiellement nouvelle. En réalité, par le passé seuls les agents occidentaux étaient connus. Les Camerounais qu’on y rencontrait n’avaient pas toujours pignon sur rue.
Martin Atangana Omgba : Il faudrait rappeler que le métier d’agent de joueurs existe depuis à peine deux ans seulement au Cameroun.
Par Mathieu N. Njog