La profession est à ses premiers balbutiements. Il faudra qu’elle du trouve ses marques dans un système qui prend du temps à se moderniser. Au Cameroun, les agents de joueurs sont confrontés à plusieurs problèmes. La réputation d’escroc qui leur colle à la peau est sinon la principale difficulté, du moins celle qui leur cause le plus de mal.
Elle contribue à récuser leur raison d’être dans les négociations entre un club et un joueur ou deux clubs entre eux, leur domaine d’activité. Nombre de dirigeants de clubs et de joueurs s’en méfient comme de la peste. Pourtant, comme il en est de tous les métiers se greffant à celui de footballeur, la Fifa a régularisé l’existence et la pratique de celui-ci. On ne devient pas agent de joueur comme on entre dans un moulin. L’obtention d’une licence est soumise à la réception à un concours organisé par l’association qui gère le football national. Au pays des Lions Indomptables, cet examen est sans conteste corsé, par conséquent très sélectif. La souscription à une police d’assurance garantie au joueur ou au club se trouvant abusé une indemnisation certaine.
Mais malheureusement, des imposteurs dictent leur loi au grand dam des joueurs et des clubs très souvent anarqués ou même pour les premiers cités abandonnés à leur sort dans des pays étrangers. De l’avis de Siméon Songo, un agent agréé, « ces clandos » ou « managers du quartier » sont plus nombreux que les licenciés. Ils agissent avec d’autant plus de facilité que quelques membres du bureau exécutif de la Fécafoot délivrent aisément des lettres de sortie aux clubs ou se les font délivrer en lieu et place des agents de joueurs qu’ils substituent sans coup férir. « La fédération devrait nous laisser faire notre travail », dit un autre qui requiert l’anonymat. L’instance faîtière est traitée de laxiste dans le meilleur des cas, sinon de complice.
Certes, la récente de l’institution de cette profession au Cameroun pourrait expliquer nombre des ces avatars (Le concours n’est organisé que depuis deux par la Fécafoot à l’effet d’agréer les agents). Toutefois ils existent davantage parce qu’aucune association ne s’érige en un groupe de pression, un lobby à même de défendre les intérêts des vrais agents. Edgar Nuentsa, de la deuxième promotion (2002), en activité comme « intermédiaire » depuis environ quinze ans, avoue que la mise sur pied de l’association est freinée par le désintérêt que ses pairs portent sur une telle initiative. Siméon Songo reconnaissant son importance affirme, qu' »il devient de plus en plus urgent pour les agents de joueurs camerounais de se réunir. »
L’action d’un tel regroupement se fonderait sur la restauration de la confiance qui doit animer joueurs et clubs soucieux d’effectuer un transfert. Ce lobby permettrait aussi de mettre en déroute les escrocs de tout acabit qui ternissent l’image de marque de cette activité importante dans le football moderne. Tout comme le désordre observé dans les mouvements des footballeurs et l’exode abusif des talents seraient mis à mal. Car s’offusque Martin Omgba, agent de joueurs agrée, « le football camerounais a perdu de l’intérêt en raison de l’exode massif de nos joueurs vers des contrées parfois exotiques tel que le Bangladesh et ce avec la complicité des dirigeants de notre football. »
En réalité l’état de cette profession n’est-il pas à l’image du sport roi lui-même dans le triangle national ? Cette discipline cherche encore ses marques à l’interne malgré l’auréole internationale. En l’occurrence, la crise que connaît actuellement la Fécafoot est une preuve de la nébuleuse qu’est sa gestion globale. Spécifiquement, le management et la structuration des clubs dévoilent grossièrement le niveau d’amateurisme dans lequel baigne le football. A ce niveau aussi les dissensions qui émaillent continuellement le faîte de ces formations attestent tout autant le profond dilettantisme qui les caractérise. Les équipes camerounaises, c’est un secret de polichinelle, sont gérées comme des épiceries. Le statut de joueur n’est que le corollaire de cette condition de « modernité ».
Il n’est donc pas difficile de comprendre la grande majorité des jeunes talents dont l’ambition de taper dans un ballon est indissociable avec celle de s’expatrier. Le professionnalisme les attire indubitablement, mais l’idée de vivre décemment de leur métier encore plus. « Parfois ils nous demandent de leur trouver des clubs n’importe où, même en enfer », dit un autre professionnel. Cet état d’esprit et la propension des présidents à tirer à tout prix profit de leurs protégés dans les conditions de transparence bien connues de tous prêtent le flanc aux aigrefins de tout poil logés à des enceintes des plus insoupçonnables.
L’exercice de la profession d’agent est un indicateur sensible du degré de développement d’un système sportif. Dans un pays où la construction d’un stade de football qui se conformerait au strict minimum du standard international est encore en chantier, à l’instar de l’environnement sportif de manière générale, le métier d’agent de joueur n’est qu’à ses fonts baptismaux.
Jean Daniel N. Ndzegue