La prestation des Lions indomptables était prévisible au regard de la tension ambiante au sein du groupe de l’équipe camerounaise. Nous avions mis cette information sous embargo pour éviter d’être pris pour responsables de la déstabilisation du groupe, et d’avoir enflammé une crise bénigne. Puisque les coéquipiers de Song seraient ensuite inondés de coups de fil venant de partout. Et certainement la quête de la recherche de la fuite n’aurait pas aidé à la concentration.
Pourtant, les choix de Schäffer qu’on accusait déjà de manquer de personnalité et de se faire manipuler avaient mis le feu aux poudres.
La situation ne s’est pas arrangée avec ce score, puisque certains ont décidé de claquer la porte de l’équipe nationale.
Dans la crise
Arrivée en terre soudanaise depuis mardi dernier en partance de Paris, pour disputer la 5è journée des éliminatoires jumelées Can et Mondial 2006, dans le groupe 3, la troupe des 18 Lions de Schäfer qui a effectué le voyage est sérieusement ébranlée par des guéguerres internes. Déjà handicapé par l’absence de sa star et goleador Samuel Eto’o Fils, qui a suscité les interrogations de la presse soudanaise avide de savoir si cette maladie d’Eto’o n’était pas simulée pour éviter de se trouver dans un pays en guerre, le groupe était suffisamment lézardé par un climat délétère. Les démons de la zizanie qui avaient secoué ce groupe avant et pendant la dernière Can 2004 en Tunisie refaisaient surface à grandes enjambées. Tout ce qu’on aurait imaginé le moins, car le Cameroun, sur le fil, se devait d’accrocher le peloton du classement après la victoire surprise de la Libye vendredi soir à domicile devant l’Égypte. (2-1)
Cette situation grave a plutôt été traitée comme de coutume avec hypocrisie par les responsables de la délégation qui l’ont minimisée, lorsqu’ils n’attisaient pas dans l’ombre cette flamme d’une division sévissante et préoccupante. Et ceci à plus d’un titre : D’un, les Lions ne sont pas au mieux de leur forme depuis des mois déjà, et de deux le Cameroun n’avait jamais gagné à Khartoum en trois déplacements déjà effectués (voir ci-dessous). De trois, il n’était pas souhaitable qu’un groupe, qui est à la recherche de ses marques et de sa confiance, soit ébranlé par la moindre crise, plus en est, entre joueurs. Surtout pas au moment où des dizaines de millions de supporters des Lions sont suspendus à leurs performances afin qu’ils ne laissent pas le principal rival, les Éléphants de Côte d’Ivoire, prendre de la distance. Et pour cela, seule la victoire, qui aurait permis en plus de mettre fin au signe indien, pouvait encore permettre de nourrir cet espoir.
La pomme de discorde
Curieusement, le groupe dans lequel on lisait au départ de Paris plein de détermination et surtout la volonté de réparer la contre-performance d’Alexandrie s’était laissé empêtrer dans les conflits de clocher depuis la première séance d’entraînement en terre soudanaise. Les choix de Schäffer et la tactique qu’il entendait mettre en place étaient alors très contestés par certains joueurs, et non des moindres. Une ambiance qui l’a amené à rectifier à plusieurs reprises ses dispositions tactiques initiales. Conséquence, avant le dernier entraînement de vendredi dernier 20h30′ locales, seul le capitaine Song Bahanag et Gérémi Njitap étaient certains de débuter le match. Une ambiance qui a poussé le staff technique à rendre public le « onze » entrant la nuit d’avant-match. Une liste qui était très attendue au sein du groupe d’une part par les contestataires, et d’autre part par les autres, qui attendaient de voir si l’ire des premiers ferait vaciller Winnie Schäffer. L’entraîneur des lions était alors pris dans un engrenage.
La tendance initiale présageait la mise à l’écart de certains joueurs ténors qu’on savait faire partie des cadres. Tel qu’à la CAN tunisienne, les regards se sont tournés vers le capitaine des Lions, au vue de sa proximité avec son coach. Certains de ses coéquipiers l’accusent de vouloir mettre en délicatesse des membres du noyau dur qu’il soupçonne comme challengers à son éviction au poste de capitaine. Ceci, pour mieux conforter sa prestigieuse position qu’il aurait peur de perdre. Mais un joueur de la mouvance de Song estimait qu’il n’y a rien à reprocher au capitaine des Lions, qui, en ce moment de grands défis pour l’équipe nationale dans ces éliminatoires jumelées, voudrait tout simplement impulser l’esprit selon lequel :
– Il est urgent que tout le monde mouille le maillot national,
– Que ceux qui rechignent à donner le meilleur d’eux-mêmes soient purement et simplement mis au banc.
Le hic, c’est que cette volonté du capitaine Song a été discrètement exprimée à Schäffer. Et lorsqu’on rapproche à tort ou à raison cette confidence (ou délation selon la position où on se situe) avec l’incident du match Cameroun – Zimbabwe de la Can 2004, où la mise à l’écart de Lucien Mettomo lui avait été imputée, il y a de quoi susciter une vive tension, aux effets latents.
Cette fois-ci, cinq joueurs se sont rebellés. L’un d’eux ne s’en est pas caché, tout au contraire, affichant une attitude que les autres joueurs ont qualifié de « réfractaire » depuis l’arrivée de la délégation à Khartoum. La conséquence est toute logique : le groupe a été divisé le groupe en deux clans. Ceux qui soutenaient en douce cette révolte et ceux qui la condamnaient. Certaines langues sont mêmes allées jusqu’à dire que l’entrée dans les différentes équipes probables que mettait en place Schäfer aux entraînements dépendait du degré de sympathie de chacun avec le capitaine Rigobert Song au contact matinal.
Achille Emana sera bientôt rejoint dans sa bataille silencieuse par quelques autres et pas des moindres. Ils claqueront poliment et en douce la porte de l’équipe nationale après ce match du Soudan pour mieux se concentrer à leurs clubs respectifs où disent-ils, on a plus besoin d’eux. Ils y gagneraient à se concentrer pour garder l’estime de leurs entraîneurs.
Et c’est dans ce registre que certaines indiscrétions du groupe placent la blessure de Pius Ndiefi, victime officiellement d’une élongation. Une blessure que d’aucuns soupçonnent être une manière discrète de s’éloigner d’un groupe où quoiqu’il arrive, il est toujours considéré comme un joker, malgré l’absence d’Eto’o et malgré son talent prouvé à chacune de ses précédentes rentrées.
Ainsi envenimée, la liste des onze de Schäffer était très attendue. Conséquence, il reportera à plus tard sa publication, de la veille du match à la dernière réunion technique samedi après-midi, ce qui n’est pas très souvent le cas, même si cela ne garantissait pas le respect de cette liste. Lorsqu’on sait que des pressions ont souvent amené le sélectionneur à la crinière de lion à modifier sa « Dream team » après la première publication, comme ce fut le cas au Caire où Tum et Kameni qui ne figuraient pas dans les plans de départ avaient fini par intégrer la liste à 13h, soit quelques cinq heures avant le début du match.
A l’épreuve…
L’absence d’Eto’o donnait l’occasion à Schäffer de montrer qu’il était préparé à jouer un jour sans le goleador actuel des Lions et du FC Barcelone, et qu’il pouvait mettre au banc certains cadres pas toujours à leur meilleur niveau avec la sélection. Ce qui serait alors la preuve qu’il est maître de ses troupes et qu’il y a de la valeur sur le banc.
Incontestablement cela aurait mis de la pression sur tous ces nouveaux prétendants à une place de titulaire. Il revenait de ce fait à ces nouveaux titulaires de savoir tirer leur épingle du jeu, n’en déplaise aux mécontents même si on peut, sur la base des premiers éléments en notre possession, s’étonner de ce que Ndiefi continue de ronger son frein au banc. Tout comme on peut remarquer que Schäffer ne montre pas une réelle volonté d’imprimer une concurrence au sein des Lions. Auquel cas, il ferait certainement appel à des joueurs évoluant dans des championnats européens pour préparer la relève et instaurer afin une concurrence saine, notamment au niveau de la défense, joueurs à qui il a refusé de donner une chance jusqu’ici.
Curieusement, les nouvelles recrues font partie du compartiment offensif et sont d’illustres inconnus dont on peut émettre des réserves sur leur niveau réel. Conséquence, le compartiment défensif où on n’observe toujours pas de doublure et l’impulsion d’une relève a encore été le talon d’Achille. Très fébrile tout au long du dernier match, commettant des bourdes qui auraient permis aux Faucons du Soudan de trouver nos filets au moins à trois reprises en première mi-temps, et au moins à cinq reprises au final.
Et la prestation des Lions dans ce match de la 5è journée n’est pas venue détendre les crispations. Tout au contraire. Et déjà, des voix se sont élevées pour boycotter le match amical de Hambourg de mercredi prochain.
Au regard du match, ceux qui dénoncent le système Schäffer sont sortis grandis. Ses choix ont été encore suicidaires, en première mi-temps surtout. Et ses remplacements ont étalé sa panique et la pauvreté de son banc. La valeur réelle des uns et des autres au sein des Lions a été mise à jour. Mais rien n’empêchera Winfried Schäffer, conservateur dans l’âme, de rester campé sur ses choix et positions. Et tant pis si le Cameroun continue à s’éloigner d’une qualification pour le mondial germanique.
Mathieu N. NJOG, njogmath@camfoot.com