Les rencontres sportives, sans distinction de discipline et à quelque niveau que ce soit, s’accompagnent de nombreux faits anecdotiques liés à une préparation teintée de croyance mystico-religieuse . Et ceci depuis la nuit des temps. Aucune équipe, aucun athlète, aucune sélection nationale n’échappe à cette attitude. De grands noms sont mêmes cités aujourd’hui comme des références en la matière. Ekélé-téké, Aaron Bolo, Pasteur Mougolé, Mgr Jean Zoa, tous d’illustres disparus.
La liste est loin d’être exhaustive parce qu’on se réserve encore de citer les contemporains dont les incantations en ont fait des hommes admirés, sollicités et même « vénérés » par leurs adeptes pour leurs prouesses en la matière.
Seulement, en parler ou y croire suscitent les interrogations et les polémiques les plus véhémentes entre ceux pour qui, aucune victoire et aucune prouesse sportive n’est gratuite, et ceux qui pensent justement que si au final, il y a un perdant et qu’il est supposé être passé par les mêmes voies alors les échecs ne devraient pas s’expliquer. Fixation ou cause réelle ? Difficile de se prononcer.
1- Magie et club
L’histoire d’Oryx de Douala avec le grand sorcier Ekélékéké, qui n’a plus donné signe de vie depuis 1965 lors du match de finale du tournoi de la Coupe « Kwame Nkrumah » qui deviendra, en 1977, la Coupe d’Afrique des clubs Champions. En finale, Oryx de Douala affronte le Stade Malien après avoir éliminé le Real Republican du Ghana en demi-finale sur le score de 2 buts à 1. Un crime de lèse-majesté pour le président Nkrumah. Il se dit qu’il avait été pris dans un piège où il fut enfermé dans une marmite. La condition de sa libération était d’accepter la défaite de l’Oryx-bellois. Devant son refus, son club sortit vainqueur, mais lui qui avait retrouvé la capitale Accra par un voyage mystique ne revint plus jamais. Les joueurs de l’Oryx de l’époque témoignent de sa présence au Ghana pendant tout leur séjour.
Il y a aussi le cas du Caïman qui, à une époque ne marquait ses buts de victoire ou d’égalisation qu’en fin de match. Ce qui lui donna le pseudonyme de « Caïman à 6 heures ». Oryx de Douala, dit-on, faisait arrêter la montre de l’arbitre, et le temps suspendait son vol jusqu’à ce que Mbappé Lépé et ses coéquipiers, menés, égalisent et inscrivent le but de victoire. Vérité ou simples fabulations? Au-delà de ces anecdotes anciennes comme le football camerounais, il y en a de plus récentes. A l’instar de cette finale de la Coupe du Cameroun de 1976 disputée pour la première fois par un club de division 2, Racing de Bafoussam. Pour certains joueurs de cette époque, Racing avait perdu la finale 2-0 parce que les joueurs avaient refusé de s’exécuter aux rites du féticheur du village Bamendjou qui leur avait demandé de traverser, pieds nus, un feu ardent qu’il avait lui-même attisé.
Toujours dans le phénomène de dame Coupe du Cameroun, très convoitée, il y a cette finale de 1984 que Dihep di Nkam remporta devant l’Union de Douala par un score étriqué de 1-0. Un but qui entraînât un grand mouvement de panique parce que toutes les fondations du stade de la Réunification menaçaient de céder sous l’effet d’un grand bruit souterrain. Les élites de Yabassi avouèrent alors que cela traduisait le retour du Bama après le travail accompli. Un grand reptile de l’allure d’une baleine que vénèrent les autochtones du Nkam.
2- Le mauvais sort du stade Ahmadou Ahidjo
De 1972 à 1977, le stade omnisports de Yaoundé était réputé envoûté parce que des clubs à l’équipe nationale, le Cameroun perdit plusieurs trophées dans cette cuvette de Mfandena. Le bal s’ouvre avec la 8è Coupe d’Afrique des nations qu’abrite le Cameroun. La sélection nationale se fait alors éliminer en demi-finale par le Congo Brazzaville, au désarroi total de toute une nation effondrée et éplorée. Et puis ce sera au tour du Tonnerre de Yaoundé de manquer le doublée en 1976 en Coupe d’Afrique des clubs vainqueurs de Coupe, battu par le Shooting Star d’Ibadan.
Bis repetita l’année suivante, en 1977, le Canon tombe face à un autre club nigérian Enugu Rangers, sur le même stade et dans la même compétition. On parle alors de la colère des ancêtres du quartier Mfandena, parce que les déguerpis n’ont jamais été indemnisés, depuis la construction de cette arène entre 1970 et 1972. A chaque fois devant le Président de la République, obligé de remettre sous l’œil atterré des Camerounais, le trophée à l’équipe étrangère. Un véritable crime de lèse-majesté.
Ce ne sera que partie remise puisque l’année suivante 1978, Canon déjoue le maléfice en remportant la Coupe d’Afrique des clubs Champions devant le Hafia Conakry. Dans cette lancée, en 1979, le Kpa Kum domine les ghanéens de Earts of Oak du Ghana. 1980, il va défier l’As Bilima à domicile 3-0 après un match nul (2-2) au match aller à Garoua. Ce qui fait dire aux Zaïrois meurtris devant leur président de la République, Mobutu Sésé Séko, que les « Camerounais sont de grands sorciers ». Certaines indiscrétions attribuent cette épopée victorieuse du Canon, beaucoup plus aux prouesses incantatoires de Mgr Jean Zoa, qu’au talent de ses joueurs.
3- Avec les Lions
Les victoires à la Can 1984 en Côte-d’Ivoire, la finale âpre perdue en 1986 en Egypte, la victoire marocaine de 1988 sont mis au compte de plusieurs grand maîtres à l’instar de Mgr Jean Zoa, Pasteur Mougolé, et autres Jimmy et Mbeng. Il n’en demeure pas moins vrai que les exploits de 2000 à la Can Nigéria-Ghana, et 2002 au Mali sont toujours revendiqués par ceux que d’aucuns qualifient de vendeurs d’illusions. Ne se souvient-on pas de ce Charlatan qui vint du septentrion pour revendiquer par un sit-in au siège du ministère de la Jeunesse et des Sports son paiement rubis sur ongles d’une dizaine de millions Fcfa pour avoir contribué par des pratiques mystiques à la victoire des Lions à la Can, Mali 2002 ?
Mais les échecs se sont aussi écrits par des loupées sur le plan cosmogonique. C’est par exemple le cas avec la participation du Cameroun à la Can 1998 au Burkina Faso. Compétition où les Lions s’étaient faits dompter en sortant en quarts de finales. L’anecdote que nous rapporte un membre de la délégation camerounaise laisse entendre que lors de ce match à élimination directe, le magicien de la sélection camerounaise avait assuré le Cameroun d’une victoire. Sur le chemin du stade, le véhicule affrété pour cette « personnalité », va écraser un mouton. Et le charlatan de récupérer cet accident que tous les membres de la délégation camerounaise ont considéré comme un mauvais présage. La suite on la connaît. Les Lions s’inclinèrent devant les Simbas de la R d c, 0-1.
Pour les participations des Lions Indomptables en Coupe du monde, les anecdotes les plus vivaces font état de ce que pour la sélection de 1982, les blessures qui avaient écarté des joueurs comme Manga Onguéne, Maya Martin n’étaient pas des accidents hasardeux, mais bien des actes pernicieux et commandités par des concurrents. Si les concernés refusent de cautionner cette assertion pour ne pas verser dans la polémique, puisque « tout compte fait c’est du passé », il reste que pour l’imagerie populaire, il s’agissait d’une bataille magique.
Pour 1990, à la coupe du monde italienne, où les Lions Indomptables des Oman, Milla, Ekéké firent le premier parcours exceptionnel d’un pays africain, en atteignant le cap des ¼ de finales, où ils avaient été éliminés (2-3) après avoir mené l’Angleterre 2-1 jusqu’à huit minutes de la fin de la partie. Il se dit que les marabouts camerounais avaient été repérés puis pourchasser, pour permettre à l’adversaire de prendre le dessus.
Mais sur le plan individuel, un reportage de notre confrère de Onze Mondial du 30 octobre 1990 au lendemain de la compétition fit avouer à François Oman Biyick, le légendaire auteur du premier but de cette compétition planétaire, que son coup de tête exceptionnel face à l’Argentine du légendaire Diego Maradona était le fruit d’une préparation mystico-magique des sorciers de son village, Pouma. On s’imagine la consternation des camerounais qui décrièrent cette mauvaise sortie médiatique du goléador camerounais. Last but not the least, le vieux Roger Milla, 38 ans, dont les prouesses émerveillèrent le monde, suscitât même un reportage qui fit avouer à un patriarche Bassa, Ndjeguil, qu’il était le marabout attitré du meilleur joueur africain de tous les temps, de qui il tient ses prouesses.
4- Les contemporains
Mais aujourd’hui, des faits donnent raison aux partisans de la non influence de ces pratiques maléfiques au sport, tout autant qu’aux disciples de ces pratiques. Toujours est-il qu’une étoile montante en sport individuel ou collectif, ne manque pas de fréquenter ces lieux pour se protéger, arguent d’autres, afin de se prémunir des visés malveillants des jaloux et des adversaires. Sans oublier que d’autres enfin y vont pour essayer de booster leurs performances. Dans les deux cas, les hommes qui exercent cette puissance se recrutent dans les églises, sous le label d’exorcistes, de gourous pour les sectes, marabouts, tradi-praticiens, et magiciens pour les officines dévoilées et pour sorciers, patriarches et bien d’autres encore dans les villages.
Loin s’en faut, le Cameroun n’est pas l’apanage de ces pratiques, l’interview du professeur-naturopathe, Herman Nyeck Liport nous édifie sur le sujet. Seulement, reconnaissons qu’entre ce qui se fait au Cameroun et ce que font les pays occidentaux, il y a un gap important. D’ailleurs, en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, la pratique de la profession de marabout est officialisée. Et, actuellement, les anciens hauts responsables de la Fédération sénégalaise de football sont soupçonnés d’avoir dépensé 90,5 millions de Fcfa pour que les Lions de la Téranga bénéficient des services de marabouts pendant les deux dernières Can et la Coupe du monde nippo-coréenne.
Au vu de la loi, cette pratique est illégale. La Cour des comptes, qui a découvert le pot aux roses, parlerait de « mauvaise gestion ». Les membres de la Fédération Sénégalaise font l’objet d’une enquête sur ce « pseudo » détournement. C’est l’occasion de rappeler que la consultation de ces maîtres de la science cosmogonique est une opportunité pour plusieurs dirigeants de clubs de distraire les budgets sous le couvert d’une ligne qu’on dénomme habituellement divers. Combien cela à coûter à nos Lions et nos clubs depuis la nuit des temps ? Go and know !
Mathieu N. Njog, Globalfootball