TUNIS, 30 janvier – On a tendance, en Afrique noire, à attribuer à des choses surnaturelles ou à des événements incompréhensibles des causes naturelles immédiates. C’est la façon que nous avons de somatiser sur notre continent. Alors, somatisons un peu.
Eto’o ne marque pas de buts, et ce n’est pas parce qu’il n’essaie pas ou qu’il n’en a pas le talent. La raison s’impose forcément à notre esprit: il a été attaché. Aucun doute possible là-dessus. Là où on peut discuter, c’est au sujet du coupable. Les connaisseurs sont sur deux grandes pistes. Jugez-en vous-mêmes.
Le 25 janvier à El Kantaoui, quelques heures avant le premier match des Lions, Eto’o sort de l’hôtel et se dirige vers le bus de l’équipe. Une dame, camerounaise, bien mariée, mère de plusieurs enfants, le sourire aux lèvres, s’avance et se fait photographier avec l’ensorceleur des surfaces de réparation et des midinettes. J’ai la photo. Vous savez la suite: Eto’o rate au moins quatre occasions claires contre les Algériens. Et cela ne s’arrange pas contre les Zimbabwéens. Bizarre…
Mais regardons plus loin et plus tôt. Le camp d’entraînement des Lions en Espagne, les joueurs qui ont été renvoyés à la maison, tous ceux qui auraient pu jouer au poste qu’occupe Eto’o, les anciens copains de New Bell, une admiratrice éconduite au Byblos. Vous me suivez ? Vous voulez des noms ?
Eto’o a été attaché par une Camerounaise qui l’a appelé en basàa « mon fils ». Cet « attachement » s’est conjugué à un autre, à un autre et à bien d’autres en Europe et au pays. On ne rigole plus.
Mais attendez, regardons de plus près le tableau et reconnaissons que la gloire de New Bell n’a été attachée ni par un Nigérian, ni par un Algérien, ni par un Zimbabwéen. Mais bien par des Camerounais. J’ai une question, qui va vous faire sourire de commisération à mon endroit parce que je suis naïf et que je ne sais pas que le Cameroun, c’est le Cameroun. Je vous demande ceci : pourquoi des Camerounais « attacheraient »-ils un footballeur camerounais engagé dans une compétition internationale suivie par le Cameroun tout entier ?
Jeu de massacre injuste
Les sottises que je lis et que j’entends au sujet des Lions depuis cinq jours sont révélatrices d’une atrophie du libre-arbitre des Camerounais. C’est à croire que les Camerounais ont subitement cessé de réfléchir et de remettre certaines rumeurs en question, qu’ils ne savent plus faire la part de choses. Les Lions en campagne constituent un groupe d’une quarantaine de personnes vivant ensemble nuit et jour et poursuivant le même but. Comme une très grande famille.
Se dispute-t-on dans les grandes familles ? Des dissensions apparaissent-elles parfois dans les meilleures familles ? S’engueule-t-on parfois au bureau ou au chantier ?
Pourquoi cela ne se passerait-il pas chez les Lions ? Comment peut-on aussi librement nommer des personnes, les donner en pâture à la vindicte populaire, les traiter de tous les noms d’oiseau, sans aucune preuve solide ? C’est injuste.
Alors, heureux ?
Cinq buts marqués par nos Lions, et pas contre le Swaziland, avouez que c’est matière à célébration. Ce match totalement étranger à la philosophie de tout entraîneur conservateur comporte un certain nombre d’enseignements. En premier lieu, trois buts encaissés, c’est un avertissement sérieux. Les Lions ne peuvent pas jouer avec les trois défenseurs d’hier devant une équipe compétente, sans l’appui d’un milieu intraitable. Ensuite, notre milieu, qu’on croyait en béton, peut être indigent dès lors que Djemba joue les Arlésienne et Mbami, les goléadors. Le surcroît de travail dont ont hérité Perrier et Tchato va peut-être laisser des traces qu’on espère ne pas sentir mardi prochain.
En troisième lieu, pour ce match de mardi justement, pourra-t-on se passer de Mettomo contre Mido ? Ce dernier est très ordinaire balle au pied, mais il est redoutable pour ses déviations de la tête. Il me semble que Makoun a gagné sa place et que Djemba n’a pas fait assez pour conserver la sienne. Olembé mériterait un essai, mais cela n’arrivera pas… Éric Djemba ne joue pas du tout à son meilleur, et c’est extrêmement contrariant et inquiétant.
L. Ndogkoti, à Tunis