Samuel Eto’o commente sa situation actuelle en club et son probable départ pendant le mercato de janvier. Il revient surtout sur la gestion approximative des lions pendant la dernière coupe du monde…
Comment va Samuel Eto’o?
En forme !
Avec l’envie de partir?
Clairement oui. Dans la vie il faut de temps en temps aspirer à autre chose. Je crois que c’est là une philosophie que beaucoup de monde partage, vous ne croyez pas ?
Cependant il subsiste un doute. Vous estes lié à Majorque jusqu’en 2007…
Ce n’est pas un obstacle, C’est à Majorque que je dois ce que je suis aujourd’hui. Ils m’ont fait confiance et je leur en serai toujours reconnaissant. J’ai exprimé mon désir et personne n’estime en tout cas ici à Majorque être lésé car j’ai toujours tout donné.
Qu’en pense le président Mateo Alemany?
Alemany est un grand monsieur nous nous sommes expliqués et nous nous sommes compris.
Madrid garde cependant 50% de droit sur vous. Pour Fiorentino Perez ce sera une belle affaire de vous reprendre non?
J’ai confiance en moi et je sais que j’ai la capacité de jouer dans n’importe quelle équipe dans le monde. Mais ça est ce que Quieroz le veut ? C’est clair que c’est beaucoup plus facile de jouer au football lorsqu’on a des coéquipiers comme Zidane ou Beckham. Ceci est vrai et pour moi et pour tous les autres footballeurs.
Vous imaginez vous aux cotes de Ronaldo?
Pour le moment je me vois aux côtés de mes actuels coéquipiers et autres Bruggink etc. Nous allons affronter le Real et c’est excitant pour tout footballeur d’affronter la meilleure équipe du monde.
Que vous inspire le Real de Madrid?
De l’affection
Mais encore?
Là bas j’ai un second père José Luis Mountain Lopez. C’est à lui que je dois mon intégration lorsque je suis arrivé dans cette ville à 15 ans. Je devais apprendre une nouvelle langue et m’adapter à mes nouvelles conditions de vie. Croyez moi ce n’était pas facile et il a tout fait pour moi cet homme.
Votre cœur reste cependant attaché au Cameroun?
L’âme et tout. Ma famille de sang, mon autre famille, les amis… Le pays m’apporte la paix. Mais lorsque je reviens à Madrid c’est toujours avec beaucoup d’émotion.
Qui sont tes idoles?
Roger Milla, qui est aujourd’hui dans le staff technique de Montpellier. Pour moi et tout Africain que nous avons eu la chance de le voir et de l’apprécier, Roger est le plus grand que nous avons eu. En outre il y a les frères Biyick, Makanaky, Weah… Et Tommy NKono: celui-ci a été le meilleur gardien de but du monde. Ce qui me tient le plus à cœur est que les enfants se rappellent que Samuel a bien joué au football.
Ils le diront de vous…
Tous les enfants du monde ont besoin d’une référence, quelqu’un en qui ils peuvent s’identifier pour se surpasser. Plus en Afrique. J’ai en Europe tous mes frères, ils se battent comme ils peuvent. Au Cameroun il y a mes parents et mes amis. Deux d’entre eux vivent avec moi. Les africains vous savez nous avons de grande famille. Et l’argent que nous gagnons doit aussi servir à aider ceux qui sont restés là bas. En Afrique la misère est telle j’espère qu’en mourrant je verrai comme ça aura changé.
Que vous inspire la place de l’Afrique dans le monde?
Que serions nous sans la solidarité des autres?
N’as tu pas peur d’être pris pour un fou en affirmant ceci?
Fou non je ne pense pas regardez je suis un tout autre Eto’o ça fait 16 journées de Liga et j’ai pas eu le moindre avertissement.
Oui!… En réalité plus que sans la tête j’ai souvent réagi à des situations d’injustice. Maintenant j’ai compris qu’il est inutile de vouloir se faire justice soi même sinon on donne le mauvais exemple.
Combien de temps a-t-il fallu à Aragones pour vous faire admettre cela?
Luis est un grand monsieur, comme un grand père il n’a pas hésité à m’affronter afin de me dire ce qu ‘il pensait et cela s’est toujours très bien passé. Finalement je lui dois beaucoup.
Champion Olympique, double champion d’Afrique, coupe du roi, ne rêvez vous pas de voir le Cameroun comme premier Champion du monde en Afrique?
Ça c’est un rêve en effet, mais je pense que plus que la coupe du monde, l’éducation et la construction des infrastructures est importante. De ce point de vue ce qui se passe au pays est lamentable.
Ici aussi ce n’est pas terrible…
Oui, oui le Cameroun et le Nigeria ont ceci de particulier qu’ils ont de très grands joueurs mais une organisation médiocre. Nous nous sommes des professionnels et devons nous concentrer sur le jeu mais sans organisation on arrive à rien. Regardez un peu ce qui s’est passé avant la coupe du monde au Japon. Nous passons 72H entre avion, escale et Aéroports pour rallier le pays.
C’est vrai que ceci ne prête pas à sourire mais cela est souvent arrivé non?
Presque, presque ! De Paris il y a un vol direct vers Tokyo, mais nous sommes passés par Addis Abeba, en Ethiopie. Et de là nous sommes allés à Bombay (Inde), à Bangkok (Thaïlande) et finalement à Tokyo. Et de Tokyo, 500 kilomètres de plus pour rejoindre nos installations. Nous sommes arrivés exténués et le jour suivant nous avions un amical avec l’Angleterre qui avait été programmé, rien de moins! Nous l’avons fait davantage ou moins bien, mais nos forces diminuaient. La compétition est arrivée alors que nos forces étaient sérieusement entamées. C’est cela qui est à améliorer chez nous, l’organisation, le détail…
Parlons maintenant de Henry qui risque d’atterrir au Real et vous à Arsenal par le jeu de chaises musicales.
Je suis né pour jouer au Football et à 15 ans je n’ai pas hésité à prendre ma valise pour aller là ou ma passion me menait sans arrière pensé économique. En joueur de foot, on est citoyen du monde et on doit aller là ou le football nous guide. J’aspire à jouer avec les meilleurs joueurs au monde et pourquoi pas avec Arsenal.
Très bien…
Lorsque je suis parti du Real, c’est bien parce que l’envie de jouer était plus importante que les raisons économiques. J’ai envie de jouer de me faire plaisir et si possible auprès des meilleurs joueurs. Faut pas oublier que dans notre profession, à 33 ans on est considéré comme un vieux et les opportunités s’amenuisent. J’ai envie de jouer ici en Angleterre partout ou on aura besoin de moi.
Le seul et unique coach qui n’a pas cru en vous est Miguel Brindisi de l’ Espanyol.
Vous savez chaque entraîneur à ses idées et plans. Il y a de nombreux exemple de grands joueurs qui ne jouent pas. Regardez Rivaldo au Milan. Peut-être que aujourd’hui son avis a changé.
Pour vous il aime plus Henry que Eto’o?
Oui oui Henry est un des tout meilleurs je comprends que Arsenal ne veuille pas s’en séparer de même que je comprends que le Real veuille l’enrôler. Mais je dis bien c’est un des tout meilleurs comme Eto’o … rires.
A ton avis qui est le meilleur?
Sans hésiter Zidane, non seulement parcequ’il est le plus doué mais aussi parce que son attitude hors des terrains doit inciter les jeunes et les grands à plus d’humilité.
L’humilité est une préoccupation pour toi?
-Oui un peu! Mais surtout le prochain match face à Madrid.
Les fêtes vous les passez au Cameroun je suppose?
Oui en effet, l’ensemble de la famille Eto’o aime se réunir à cette occasion. Peut-être avec un peu de chance je leur raconterai notre succès face à Madrid.
Et comment?
Bah vous verrez ce sera le cadeau en avance de Papa Noël.
Bonne chance et bonnes fêtes Samuel.
Entretien réalisé le 20/12/2003 par le journal Los tiempo des Baleares (traduit de l’espagnol)
TOMÁS GUASCH