Pauvres locaux! Marcus Mokake, sans doute le joueur le plus régulier du championnat camerounais de football depuis quatre ans, lauréat du Crack d’or en 2000, a fait sensation en terre nigériane dans les rangs des Lions indomptables espoirs, finalistes du tournoi de football des 8èmes Jeux africains.
Lui, le meneur de jeu à la patte de velours, s’est transformé en buteur providentiel, prenant même la tête du classement des artificiers de la compétition avec sept réalisations. Cela fait quelque temps que nous disons que Mokake et quelques autres joueurs locaux ont le niveau pour avoir, eux aussi, leur chance de porter le maillot de l’équipe nationale, sans avoir besoin d’émigrer au Myanmar ou en Slovénie. Nous constatons malheureusement que les joueurs de la D1 camerounaise continuent à être les laissés pour compte de la sélection nationale. A peine les trouve t-on bons pour les Jeux africains, l’équipe nationale A’ au destin incertain, et les qualifications pour les Jeux olympiques auxquels ils n’auront que peu de chance de participer, le morceau des grandes phases finales étant taillé à la mesure de la légion étrangère et d’office réservé à elle seule.
Le manège s’est encore produit à l’occasion du dernier regroupement de routine des Lions indomptables en Allemagne. Aucun joueur évoluant au Cameroun n’a été convoqué, tandis que Gustave Bahoken, dont on a vu le niveau approximatif à la coupe des confédérations, transféré de Livingstone en Ecosse pour le Sco d’Angers en D2 en France. Quel latéral droit de ce petit calibre ne trouverait-on pas dans les rangs du Canon de Yaoundé, de Coton Sport de Garoua ou de Renaissance de Ngoumou ? D’autres « professionnels » comme le gardien André Eboué (Beaucaire, 4ème division en France) n’ont pas attendu le carton d’invitation du sélectionneur et se sont spontanément présentés au stage en Allemagne, comme en terrain manifestement conquis. Un autre regroupement pour la forme, puisque marqué à nouveau par des matches amicaux sans relief contre des clubs allemands anonymes de divisions inférieures.
Il n’est guère question ici de faire la sélection à la place de ceux qui sont payés pour cette tâche et qui ont fait de l’entraînement des équipes de football leur métier. Seulement, nous aimerions voir à travers leurs actions, une certaine ligne de conduite qui puisse convaincre l’observateur. C’est vrai, nos partenaires allemands nous offriraient gracieusement leurs installations pour les regroupements de l’équipe nationale, et il est plus simple de faire venir en stage en Allemagne des joueurs qui évoluent en Europe, donc dans le voisinage. Mais, l’équipe du Cameroun, après cinq participations à la coupe du monde, peut-elle se contenter de cela, de l’aumône et de l’hospitalité de ses amis, pour se bâtir une identité et préparer son avenir hors de ses repères naturels? Même par un simple souci de variété, il faudrait aller voir ailleurs.
Apparemment, ce sera le cas le mois prochain avec ce match amical prévu à Oïta contre le Japon. A cette occasion, on annonce le retour de Patrick Mboma en sélection. Ce qui n’est guère surprenant ni condamnable : l’attaquant gaucher qui joue actuellement dans le championnat nippon a tellement rendu de bons services aux Lions indomptables qu’il ne serait pas élégant qu’il quitte la sélection sur la pointe des pieds. Mais, revenons à notre question de départ: n’y a t-il pas au Cameroun en ce moment quelques joueurs qui puissent être mis dans le bain de la sélection, se frotter régulièrement à l’ambiance de l’équipe nationale et se préparer ainsi à prendre tôt ou tard la relève de Mboma et consorts ? Il y en a assurément ! Hélas, tel n’est pas la vision du staff technique de l’équipe du Cameroun. On ne peut que le déplorer et regarder, impuissants, tous les jeunes du cru chercher chacun « un tuyau » pour quitter le pays et espérer ainsi porter un jour le maillot des Lions indomptables.
Emmanuel Gustave Samnick