Envoyé spécial en Tunisie – Droit au but. L’homme n’a plus l’étiquette sur sa poitrine d’athlète, comme naguère quand «mon Basilou», maillot marseillais au vent, déblatérait le Vélodrome de sa rage, porté par la forte portance du mistral. Mais il l’a plutôt dans le sang, dans les veines. Alors quand il s’agit de dire «ses» vérités, Basile ne tourne jamais autour du pot. Ça tacle et ça hurle. Haut et fort.
Ainsi, au moment de livrer la profondeur de sa pensée sur la prochaine Can 2004, il a craché quelques-unes de ses certitudes du moment qui sentent sans doute bon au Sénégal. Voici du Basile pur-jus, servi dans la douceur du hall du Renaissance Tunis Hôtel où a lieu cet après-midi le tirage au sort des poules de la prochaine Can. A savourer.
Basile, vu la constitution des chapeaux pour le tirage au sort de la Can 2004, peut-on s’attendre à des poules de feu ?
C’est ce que tout le monde espère. Des poules de feu, cela donnerait beaucoup de piment à la compétition. On sait que le Sénégal et le Cameroun font partie des grands favoris et que le pays organisateur, la Tunisie, souhaite ne rien lâcher sur ses terres. Il faut aussi faire très attention au Nigeria et à l’Afrique du Sud. Les équipes se valent un peu dans cette prochaine Coupe d’Afrique des nations de football. Le «facteur chance» va peut-être un peu jouer durant le tirage, mais attendons de voir…
Quand on a, à l’image du Sénégal, l’ambition de gagner la Can, il faudra forcément «passer sur le corps» des autres grandes nations du continent. Un «bon» ou «mauvais» tirage change-t-il quelque chose à la donne ?
Que ce soit en Coupe du monde, en Can ou en championnat d’Europe, c’est pareil. Il faut battre les meilleurs pour accéder au sommet. Le Sénégal n’a donc pas le choix. Il faudra confirmer sa belle Can au Mali. D’autres nations aussi auront leur mot à dire. Le Nigeria, avec son formidable potentiel de joueurs, est par exemple toujours dans le coup. Des équipes surprises comme le Burkina Faso ou le Mali peuvent jouer des tours à n’importe quel adversaire. Cette Can 2004 sera ouverte, elle pourrait même être plus relevée que la précédente.
Déjà, les pelouses seront meilleures et comme la Tunisie est à une heure de l’Europe, la coopération entre les clubs occidentaux et les sélections africaines pourrait s’améliorer.
La désignation du Sénégal comme tête de série, est-ce une surprise pour vous ? Est-ce un avantage ?
Vu, ce que le Sénégal a fait comme résultats ces derniers temps, vu son classement Fifa qui le met parmi les deux ou trois meilleures sélections africaines, c’est mérité. Maintenant, est-ce un avantage ? C’est à démontrer sur le terrain. C’est du terrain que sort la vérité du foot.
Mais est-ce que ce qu’on appelle communément un «bon» tirage est souvent déterminant dans une compétition de ce genre? Je me rappelle de l’Euro 92 en Suède. Avec l’équipe de France, on avait hérité du Danemark qui avait été repêché à la dernière minute. Tout le monde pensait que c’était plus ou moins facile. A l’arrivée, ce sont les Danois qui ont gagné l’Euro. La France était favorite, mais elle est passée complètement à travers. Attention à ce que les Lions ne s’y voient déjà, parce qu’ils ont joué la finale au Mali et disputé un quart de finale de Coupe du monde. Ils ne doivent pas perdre de vue que chaque équipe se fera un challenge de les battre durant cette Can en Tunisie.
Faut-il donc tout remettre à plat ?
Ah non ! Le Sénégal n’est pas tête de série pour rien. Tout ce qu’il a fait durant les deux dernières grandes compétitions (Ndlr: Can et Mondial 2002) a eu des conséquences positives sur l’équipe. Et cela sert et doit servir. Maintenant, au niveau de l’envie et de la remise en question, il y a un juste milieu à trouver.
S’il s’agissait de désigner un seul et unique favori pour la Can 2004, serait-il le Cameroun, champion d’Afrique en titre et auteur d’une belle Coupe des Confédérations en juin dernier en France ?
Ferme) Non ! Le grand favori, c’est le Sénégal.
Ah bon ?
Le Sénégal n’a pas fini sa progression. Le Cameroun est champion d’Afrique en titre, mais il n’est pas sur une pente ascendante. Déjà Foé est «parti», Rigobert Song prend de l’âge et quelques joueurs cadres ne sont pas au mieux. Alors que le Sénégal est resté dans sa bonne dynamique. Et puis, c’est presque l’occasion ou jamais. Car après la Can 2004, ce sera peut-être la fin d’une époque. La maturité est là, et cette génération a envie de gagner quelque chose avant de subir une inévitable mutation. Cette équipe du Sénégal ressemble un peu à l’Equipe de France de l’Euro 2000. Deschamps, Blanc et autres savaient que c’était leur dernière chance de glaner un nouveau trophée et ils ont tout donné pour remporter cet Euro qui était la fin de l’apogée pour cette génération. Je sens la même chose pour le Sénégal et les garçons vont tout faire pour gagner cette Can 2004. Comme pour les Bleus, le Sénégal actuel a la maturité, l’euphorie et cette qualité de groupe pour surmonter tous les obstacles.
En fonction de l’établissement des «chapeaux», quelle poule de feu aimeriez-vous avoir ?
Moi, je vois bien un Sénégal-Afrique du Sud. Ça va être chaud!(rires) Mais personnellement, je ne m’inquiète pas pour le Sénégal. Quand je regarde derrière, au milieu et devant, je ne me fais pas de souci pour Stephan. Déjà, il y a deux ou trois joueurs qui révèlent en Ligue 1 française. A Toulouse, il y en a un (Ndlr : Ousmane Ndoye) qui est très bon; à Strasbourg, Niang commence à s’exprimer avec régularité et à Lens, Sarr est revenu et Faye monte en régime. Et puis, le Sénégal a un vrai entraîneur maintenant (sic).
Qu’est-ce que cela veut dire ? Que Metsu n’était pas un coach ?
Metsu, c’était un copain (rires). C’était un ami aux joueurs. Mais bon, il a eu des résultats et personne ne peut les lui enlever. Quand ça marche, on ne regarde pas derrière. Mais là, Guy est un entraîneur sérieux, pédagogue, qui vit son métier. Il est méticuleux. Les résultats peuvent ne pas suivre, mais c’est un grand entraîneur. Il respecte le football. Si vous le réveillez à deux heures du matin et vous lui demandez le nombre de séances qu’il va organiser en Tunisie durant la Can 2004, il vous le dira. Il a déjà tout programmé. C’est un entraîneur de la race d’Aimé Jacquet.
Peut-il être pour le Sénégal le coach providentiel que Jacquet a été pour la France ?
Attendez, humainement, je n’ai rien contre Metsu. Mais, c’est de mon droit d’apprécier Guy par rapport à lui. Stephan peut être le «messie», comme il peut ne pas l’être. Ses choix peuvent être discutés comme n’importe quel entraîneur. Mais c’est quelqu’un qui sait travailler, qui a une base. Il est comme Guy Roux.
Est-il donc l’homme de la situation, celui qui saura ramener cette humilité nécessaire au Sénégal pour aller vers sa conquête du titre africain ?
En tout cas, il peut être celui qui saura canaliser cette équipe du Sénégal, qui pourra l’aider à ne pas se monter la tête et à se concentrer sur le foot. Déjà avec lui, les joueurs discuteront «tactique» et non «boîte de nuit». C’est sûr (rires).
Quand on vous suit, vous voyez le Sénégal tout beau, au sommet de l’Afrique. Est-ce par simple fibre sénégalaise (Ndlr: sa femme est sénégalaise) ?
C’est vrai que je supporte quelque part le Sénégal. Ce qui est un peu normal. J’ai une partie de moi au Sénégal, j’y ai vécu et je connais tous les joueurs sénégalais. Mais, ma lecture recherche une certaine objectivité. Présentement, je crois fermement que le Sénégal doit remporter la Can 2004. Il a tout. Il peut même se passer de Fadiga. Même Diouf et Henri Camara sont remplaçables dans cette sélection. En fait, le vrai problème des Sénégalais, c’est qu’ils ne connaissent pas leurs potentialités. Les joueurs ont été les premiers à se surprendre à aller en finale de la Can 2002 ou à battre la France. Je pense qu’ils ne sont pas conscients de leurs qualités.
Quand je vois les Sénégalais qui évoluent partout en Europe, je me dis que le Sénégal peut battre n’importe qui. Nous qui sommes en Europe et qui voyons les Sénégalais jouer chaque week-end, nous sommes tous impressionnés.
Basile, au regard du tableau des qualifiés, ne voyez-vous pas un vide? La Côte d’Ivoire et son beau potentiel.
Vous savez, avec tout ce qui est arrivé à notre pays, ç’aurait été un miracle de se qualifier. Tout était instable dans ce pays et les Eléphants n’ont pas constitué l’exception. Je ne suis pas surpris de l’issue des qualifications. A la limite, tant mieux que la Côte d’Ivoire n’est pas là, car ç’aurait été difficile pour la préparation, pour la concentration vers l’objectif de la Can 2004.
Justement doit-on s’attendre à une Can 2004 relevée?
Oui, car les pelouses et le climat en Tunisie militent en faveur du jeu.
Papa Samba DIARRA