Le champion du Cameroun affronte Espérance de Tunis ce week-end alors que la lettre d’engagement de la télé n’est pas encore signée. Les dirigeants du Canon sportif de Yaoundé pouvaient légitimement s’estimer heureux après la qualification de leur équipe pour la Ligue des champions qui réunit les huit clubs qualifiés en les quarts de finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions.
La seule présence du Kpa-Kum dans ce gotha du football continental des clubs lui garantit, d’emblée et quel que soit le rang qu’il occupera au terme des matches de poule, un pactole de 190.000 dollars, soit environ 130 millions de Fcfa. Et si d’aventure les protégés du président Théophile Abega atteignent la finale, ils empocheront 450 millions de Fcfa (perdant) ou alors 660 millions de Fcfa (vainqueur), tandis que la Fécafoot s’en tirerait avec la rondelette somme de 350 millions de Fcfa… Par ces temps de ramadan financier que connaissent la plupart des clubs camerounais, c’est une véritable manne qui devrait revigorer le club le plus titré de notre pays.
Mais, Canon sportif de Yaoundé pourrait ne pas voir, en novembre prochain quand la Caf commencera la distribution des enveloppes aux équipes qualifiées cette année, la couleur de cet argent qui lui pend au nez. Motif: non respect des engagements par le Cameroun.
Si la Ligue des champions est une affaire de gros sous, c’est en grande partie grâce à l’apport des télévisions, qui, par l’exposition qu’elles assurent à la compétition, lui attirent subséquemment les sponsors. Et le cahier de charges de la Champions League exige de la fédération de chaque pays dont le club est qualifié, qu’elle signe une lettre d’engagement garantissant que la télévision nationale va retransmettre les rencontres. La Fécafoot, comme les sept autres fédérations nationales concernées directement par la C1 cette année, a donc « une obligation de couverture télévisée conforme aux normes internationales habituellement retenues dans ce domaine », comme le stipule le cahier de charges de la Confédération africaine de football (Caf). Or, à l’heure où nous mettions sous presse, seul le Canon, parmi les huit qualifiés de la Champions League 2003 (Espérance de Tunis, Usma d’Alger, Atletico sport de Luanda, Enyimba du Nigeria, Simba de Tanzanie, Asec d’Abidjan et Ismaïla du Caire), n’avait pas encore la couverture de son pays dans le domaine de la retransmission télévisée. Faute d’un accord de la Crtv, qui estime, comme d’habitude, qu’elle doit être payée pour filmer les matches du Canon et retransmettre le signal au profit des autres télévisions engagées.
L’habitude du retard
Le fait n’est pas nouveau. Le 23 septembre 2000, quand Sable de Batié, premier club camerounais à disputer la Ligue des champions, est allé disputer son premier match (perdu 0-4) à Tunis contre Espérance, la Crtv ne s’était toujours pas fait signer par la Fécafoot la lettre d’engagement du télédiffuseur national. Le même manège s’est reproduit l’année dernière avant la finale de la coupe de la Caf (C3) disputée par Tonnerre de Yaoundé, la chaîne publique camerounaise traînant toujours le pas. Ainsi, malgré l’affaire Crtv-Tv Max qui aurait dû sonner l’alerte, notre télévision de service public continue allègrement à se mettre en marge des normes. Habituée à recevoir des subventions et gratifications pour le moindre événement couvert sur le plan local, la Crtv de Gervais Mendo Ze se refuse obstinément à emprunter le train de la modernité et ne délie sa bourse pour des prestations à l’international que sous la contrainte, même quand il faut simplement louer les positions commentateurs, étant donné que la Fifa et la Caf s’arrangent de plus en plus à soulager les télévisions africaines du paiement des droits exorbitants de retransmission (Cas des dernières éditions de la Can et du Mondial seniors).
Or, sans parler des rentrées publicitaires, la Crtv, depuis l’ère Mendo Ze, a déjà rogné pas moins de 3 milliards de Fcfa sous forme de subventions spéciales de l’Etat, sous le prétexte de la couverture des grands événements sportifs internationaux (trois coupes du monde et quatre coupes d’Afrique des nations), à la veille desquelles le patron de la Tour d’aluminium profite généralement pour renouveler les équipements de la radio-télévision d’Etat.
La participation de Canon de Yaoundé à la plus prestigieuse et plus lucrative des compétitions inter-clubs africaines n’est cependant pas compromise. Le club de Nkolndongo est allé préparer son baptême du feu dans la Ligue des champions en Belgique, avant d’affronter, dimanche 10 août prochain à Tunis, Espérance locale. Ce qui est revanche compromis pour les champions du Cameroun, c’est leur cagnotte si la Fécafoot et la Crtv, déjà largement en retard par rapport aux délais, ne signent pas la lettre d’engagement conséquente. Et ce sera bien dommage!
Emmanuel Gustave Samnick