Camfoot.com est allé à la rencontre de Pierre Womé Nlend, international camerounais et actuel sociétaire de Fulham FC de la Premiership anglaise. Il nous reçoit chaleureusement et se dit prêt à une bonne causette. Très librement il nous parle de lui, de ses débuts, son équipe actuelle, et bien sûr de la coupe du monde manquée. Lisons plutôt.
Camfoot.com: Bonjour Monsieur Womé. Pouvez-vous nous présenter l’homme de football que vous êtes? Parlez-nous de vous.
Pierre Womé: Un homme entier, qui aime s’exprimer librement, de façon concise, directe. Mon histoire est celle de tout enfant camerounais qui dès le jeune âge acquiert l’envie et la sensation de ce beau sport. J’ai rêvé tout jeune de faire du football mon métier, un peu comme chaque camerounais de mon temps. J’ai été vite remarqué en étant sélectionné à l’école des Brasseries de Douala. J’y ai passé 4 ans avant de joindre le FOGAPE où nous avons joué les interpoules. Par la suite, je suis allé au Canon et j’ai continué mon apprentissage. J’ai fait parti aussi de la plupart des formations jeunes de l’équipe nationale. Pendant que j’évoluais dans le championnat, des contacts étaient aussi pris en vue de trouver une équipe professionnelle en Europe. Mon manager actuel, Paulo Teixeira s’est manifesté et notre association a débouché sur un premier contrat dans une équipe professionnelle en Italie après bien sûr des tests en bonne et due forme qui se sont revélés fructueux. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans un autre pays, avec une culture différente, bien jeune, prêt à relever le défi de ma carrière. Et ce club était Vicenza.
Camfoot.com: Justement arrivé si jeune dans cet univers professionnel… saviez-vous à quoi vous vous exposiez et quelles étaient vos ambitions?
Pierre Womé: J’ai eu la chance d’avoir de bons conseillers qui m’ont permis de m’accomplir. J’avais la volonté de réussir et mon rêve était de jouer pour le Milan AC. Vous savez ce qu’était ce club pour les gens de ma génération? C’était le club où tous voulions évoluer. J’avais cette envie folle de travailler très fort pour y arriver. Et je travaillais avec beaucoup d’acharnement. Bon cela n’a pas été possible avec le Milan, mais je me suis contenté de la Roma, même si j’avais à l’époque beaucoup d’autres sollicitations. Je me suis dit que cela valait toujours le coup que je me batte même si certains joueurs avaient un nom plus « ronflant ». J’ai été titularisé d’entrée, mais une vilaine pubalgie est venue s’interposer et cette année là, je n’ai pas pu m’en remettre.
Camfoot.com: Et maintenant vous évoluez en Angleterre, à Fulham FC?
Pierre Womé: Oui je suis en Angleterre, mais je tiens à préciser que contrairement à ce qui a été écrit sur le sujet, je ne suis pas en prêt. Nous avons signé un contrat en bonne et due forme, contrat d’un an. Je n’appartiens donc plus à Bologne et je suis libre de signer pour toute équipe de mon choix après l’expiration de mon entente avec Fulham.
Camfoot.com: Vous êtes passé de l’Italie à l’Angleterre. Et vous semblez avoir eu des difficultés d’intégration…
Pierre Womé: Vous savez, le monde du football et même la vie est un peu comme cela. Je suis arrivé à Fulham dans un contexte particulier. En position d’arrière droit, nous étions trois avant janvier, avec parmi nous un jeune espoir anglais. J’ai toujours considéré qu’en tant que joueur, je me devais d’être toujours disponible pour l’équipe. Et c’est à l’entraîneur de décider à qui il fera confiance. Je restais prêt, persuadé qu’au moment où il me donnerait ma chance, il faudrait que je la saisisse. Dans ce cas-ci, je suis aussi allé voir mon entraîneur et nous avons eu une bonne discussion franche, trop franche même … (rires); les choses se mettent progressivement en place et là maintenant je joue plus régulièrement.
Camfoot.com: Quelle est votre positionnement en club actuellement?
Pierre Womé: Dépendamment des matchs, de la stratégie à utiliser, j’évolue soit en tant qu’arrière gauche, soit en tant que milieu excentré.
Camfoot.com: Vous avez récemment marqué un but de toute beauté, et si mes souvenirs sont exacts, la distance de tir était d’à peu près 35 mètres…
Pierre Womé: Vous savez, cela faisait longtemps que je n’avais pas enfilé de but. La sensation que j’ai alors éprouvée était incroyable. J’ai pris ma chance et cela a payé
Camfoot.com: Le football anglais semble vous avoir redonné des airs de jeunesse. Beaucoup estimaient avant votre arrivée en Angleterre que vous tombiez dans la suffisance… Pensez-vous que les difficultés que vous avez rencontrées ont été un coup de fouet qui relance votre carrière?
Pierre Womé: Effectivement je pense que les difficultés contribuent à mûrir un homme; et je pense en avoir tiré quelques bénéfices… bien sûr après avoir mangé mon pain noir. Au départ il y a eu un malentendu entre les dirigeants et moi. Aujourd’hui ces difficultés semblent s’être aplanies et je suis le premier à être satisfait. J’espère pouvoir continuer à jouer régulièrement.
Camfoot.com: La situation contractuelle du staff technique semble être dans le flou avec la fin de leur contrat en juin prochain. Cette situation a t-elle une incidence sur votre avenir avec le club et comment vivez-vous cette situation dans les vestiaires?
Pierre Womé: En ce qui me concerne, je dirais non. Ma situation est claire et mon contrat était d’un an. Nous nous retrouverons pour discuter le moment venu. Maintenant, nous avons des contacts ailleurs et ma préférence reste l’Angleterre. Dans les vestiaires, cette situation ne se perçoit pas. L’équipe ne pense qu’à faire de bonnes performances. N’oubliez pas que nous sommes dans un monde professionnel.
Camfoot.com: Parlant des pistes que vous avez…
Pierre Womé: Nous avons des sollicitations venant de différents clubs dans plusieurs pays ici en Europe. Bien sûr je donne ma préférence à l’Angleterre pour des rasions de stabilité. Je n’aime pas beaucoup voyager, m’éparpiller.
Camfoot.com: La stabilité qui est un trait de caractère chez vous, que faites-vous en dehors du football?
Pierre Womé: J’aime me tenir le plus loin possible du football. Je passe le temps avec les amis, la famille parce que vous savez, le temps passe et il faut en prendre du temps avec les gens qu’on aime. J’aime aussi me détendre en jouant à la guitare. J’ai aussi commencé à penser à mon après carrière.
Camfoot.com: Envisagez-vous votre après-carrière dans la continuité du football?
Pierre Womé: J’y pense en effet. Même si ce n’est pas tout à fait directement lié au football, cela pourrait l’être indirectement. Quand je pense à l’après carrière, je pense à nos grand-frères qui ont fait le bonheur de l’équipe nationale et qui sont dans une situation précaire. Peut-être faudrait que nous, camerounais pensions à leur rendre hommage parce que ce sont eux qui nous ont montré le chemin.
Palmarès:
COUPE DU CAMEROUN ’95
SUPERCOUPE DU CAMEROUN ’95
COUPE D’AFRIQUE JUNIOR ’95
COUPE D’ITALIE ’97 – VICENZA
COUPE D’AFRIQUE 2000
JEUX OLYMPIQUES – SIDNEY 2000
COUPE D’AFRIQUE 2002
Camfoot.com: Changeons complètement de registre… on ne peut pas discuter avec Pierre Womé et passer outre la déception, la catastrophe, la « coupe du monde de la honte » que les Lions nous ont imposés…
Pierre Womé: Bien sûr qu’il fallait que nous y arrivions. Il n’aurait pas été juste de ne pas en parler. Les Lions Indomptables ne sont pas seulement l’affaire des joueurs, mais c’est l’affaire de tous les camerounais. Je pense pour ma part que la majorité des camerounais ont mal compris les choses, parce que cela leur a été mal présenté. Les joueurs sélectionnés étaient capables de beaucoup de choses. Mais on n’a pas mis à leur disposition les ressources matérielles et de planification nécessaires pour pouvoir se présenter à une compétition comme celle là. Beaucoup ramènent le problème d’argent or ce n’est pas la question. Il y avait un réel malaise une sorte de rupture de confiance. Des promesses avaient été faites, des ententes conclues mais elles n’ont pas été respectées. La demande avait été faite longtemps à l’avance, bien avant le match au Danemark. Vous savez que ces sommes ne sont que honorifiques, mais le principe est que cela nous ferait tellement du bien que l’on nous laisse ne penser qu’au football, nous concentrer rien que sur ce que nous aurons à faire sur le terrain.
Quand je parle de planification, l’impression que l’on a est que rien n’est jamais planifié. Pour ce qui est de cette coupe du monde, nous avons fait beaucoup d’heures dans l’avion, presque 48 heures sans dormir. Nous avons l’impression que l’on pense que le football de haut niveau consiste juste à aller jouer et c’est tout, sans savoir qu’il y a toute une dynamique en arrière. Et les distances de nos centres d’entraînement et de matchs étaient aussi carrément éloignées les uns des autres.
Sans faire de comparaison directe avec les autres formations en l’occurrence en Europe, les joueurs n’ont à se préoccuper de rien. Tout est fait quand cela se doit et les joueurs ne se préoccupent que de leur condition physique et psychologique et c’est aussi en grande partie pourquoi ils sont récompensés par les bons résultats.
Les camerounais ont été déçus, mais nous les joueurs avons été meurtris. C’est une occasion en or qui nous est passé entre les doigts. Les 23 joueurs que nous étions à ce moment là étions au top et capables de faire de grandes choses. Nous voulions être aux petits soins et ne penser que football. Nous en avons fait part aux dirigeants. Et c’est resté lettre morte.
Camfoot.com: Et vous avez été pointé du doigt comme étant l’instigateur principal?
Pierre Womé: Non… la décision a été la décision de tout le groupe. Et cela a été notifié aux dirigeants. Nous voulions y aller l’esprit en paix. Même si nous jouons pour le peuple, c’est d’abord pour nous même que nous jouons et nous ne voulions en aucun cas subir cette humiliation qui nous reste en travers de la gorge.
Camfoot.com: Vous avez été mis à l’écart pendant quelques convocations. Les dirigeants vous ont-ils reproché quelque chose?
Pierre Womé: Pas du tout.
Camfoot.com: Ces problèmes sont récurrents en équipe nationale. Jean Pierre Tokoto nous a fait un récit de la version de 1982, Joseph Antoine Bell celui de 1990, nous connaissons celui de 1994; 1998 a été l’exception, du moins sur le terrain parce que hors terrain avec le scandale des billets, nous avons encore eu la une des journaux…
Pierre Womé: Justement en alertant les dirigeants longtemps à l’avance, nous espérions ne pas faire parti de ces statistiques. Mais notre parole ou nos vœux n’ont pas trouvé des oreilles réceptives. Nous avions la forme qu’il nous fallait et la confiance nécessaire. Vous savez, nos célèbres aînés tels que Roger Milla, Omam Biyick, JP Tokoto, JA Bell n’ont pas été écoutés au fil des années. Peut-être est-ce la raison pour laquelle on ne veut pas écouter notre génération.
Camfoot.com: Pensez-vous que les Lions pourront retrouver la forme d’avant la Coupe du monde?
Pierre Womé: C’est très difficile à dire. Nous étions individuellement vraiment au top de notre forme physique et ensemble, nous sentions que nous n’avions pas de limite; que nous pouvions atteindre les sommets.
En bref
Numéro: 3
Poste: Défenseur/Milieu
Né: 26/03/79
Taille: 1.79m
Poids: 79kg
Club actuel : Fulham FC
Camfoot.com: Avec le niveau professionnel que vous avez atteint, avec tous les avantages qui vont avec (argent, renommée, etc…) pensez-vous qu’il serait possible qu’un national tienne avec succès les rênes de l’équipe nationale?
Pierre Womé: C’est une question qui ne concerne pas les joueurs. Il lui faudra certainement avoir beaucoup de personnalité. Vous savez que c’est une position où il y a beaucoup de pression qui viendront de partout et il lui faudra pouvoir gérer tout cela.
Camfoot.com: Revenons au match contre la Côte d’Ivoire, que s’est-il passé?
Pierre Womé: Dans ce match que nous avons pas pris autant au sérieux que nos adversaires, le staff voulait essayer des choses et notamment un autre système de jeu. Nous avons tous été déçu du résultat et mais vous pouvez compter sur nous pour laver l’affront.
Camfoot.com: La coupe des confédérations est tout proche; que peut-on attendre de vous?
Pierre Womé: Nous n’avons rejoué ensemble qu’une seule fois depuis 8 mois et il serait temps de se retrouver ensemble pour repartir les automatismes. Nous avons un stage en vue prochainement et ce sera une bonne occasion pour se faire.
Camfoot.com: Une question personnelle, le public fantasme des fois sur la fortune des sportifs de haut niveau. Pierre Womé est-il un homme riche?
Pierre Womé: (rires) Hum… riche je ne dirai pas mais le Bon Dieu nous a donné des opportunités et il ne faut pas s’égarer et avoir en esprit qu’après le foot il y a encore une vie.
Camfoot.com: À propos de vie c’est quoi le statut matrimonial du champion?
Pierre Womé: Je suis marié et père de deux superbes enfants
Camfoot.com: Nous avons fait un tour sur votre site web. Vous semblez être au fait des nouvelles technologies. Si vous avez un conseil à donner à Camfoot.com, lequel ferez-vous?
Pierre Womé: Bien difficile de trouver quelque chose à redire; peut-être mettre à jour plus régulièrement le site, en y ajoutant des nouvelles et des interviews toujours fraîches.
Camfoot.com: Quel conseil Pierre Womé donne aux jeunes qui ne rêvent que de suivre son exemple?
Pierre Womé: Je leur dirai une seule chose : de beaucoup travailler. Le travail est la seule chose qui paye. Cela ne sert à rien de chercher des raccourcis ou de compter sur qui que ce soit.
Camfoot.com: Votre dernier message à nos lecteurs…
Pierre Womé: De continuer à nous soutenir et à nous encourager. Nous avons besoin de leur appui pour nous surpasser. Je les remercierai aussi d’avoir toujours été là pour nous.
Camfoot vous remercie.
R. Wandji
Camfoot.com