Ex-Lion indomptable, le directeur technique du Pmuc sporting club jette son regard sur le championnat de D1 et le football camerounais.
Quel regard portez-vous sur le championnat de D1 aujourd’hui?
De façon générale, je pense que c’est un championnat primaire, reflet de l’improvisation qui caractérise le football camerounais. Maintenant, d’un point de vue technique, je pense qu’il y a de petits progrès. Le niveau tactique est généralement meilleur parce que, du moins dans l’intention, il y a une volonté de plusieurs organisations. Il y a une esquisse de projet, même si dans ces intentions, les fondamentaux ne sont pas respectés. De ce point de vues, le rapport est inversement proportionnel aux résultats. Des équipes que j’ai vu évoluer, ce ne sont pas forcément celles qui avaient la meilleure tactique qui ont gagné. Prenons Caïman et Canon par exemple. Si ces équipes affinent leur projet et leur style, Caïman est appelé à s’en sortir et Canon à dominer le championnat. Il leur faut juste régler les problèmes de finition et organiser leurs défenses. Une bonne équipe est comme une machine qui commence timidement avant de se lancer rapidement.
Du point de vue administratif, le calendrier proposé est, jusqu’à lors, exécuté dans les délais. En terme d’affluence du public, Douala est le baromètre. Nous pouvons dire que la dynamique de la fin de la saison dernière (barrages de D2, interpoules et matches de coupe du Cameroun qui avaient toujours le stade plein) ne s’est pas estompée : animation, ambiance, suspense, spectacle. Il faut entretenir cela car, les supporters habitués à regarder les matches européens à la télévision sont exigeants quand ils viennent au stade, au sujet de tout : terrain, infrastructures, accueil, arbitrage et autres choses qui peuvent décourager plus d’une personne.
Qu’est-ce qui peut être à l’origine de l’échec des clubs camerounais dans les compétitions africaines ces dernières années ?
C’est vrai pour ce qui est de la ligue des champions (C1), et, sur un plan général, en terme de résultats. Mais, ce n’est pas tout à fait cela car, ces trois dernières années, Canon (C2) et Tonnerre (C3) ont été finalistes en coupes africaines. Bon, il faut le dire, nos équipes ont encore des paliers à franchir. Que ce soit sur le plan de l’organisation, de l’encadrement ou du budget, les clubs camerounais n’ont pas le niveau africain. Une compétition internationale se prépare. C’est le haut niveau. Il faut des moyens, une grande mobilisation des joueurs, des stades… Nous avons des clubs où les problèmes de primes des joueurs se posent encore. Des clubs qui arrivent dans le pays où ils vont jouer 24h avant le match, sinon le même jour de la rencontre, ne peuvent pas faire de bons résultats. Sur le plan de l’encadrement technique, le niveau africain doit être plus élevé. Ici, on a affaire aux entraîneurs de haut niveau. Canon et Tonnerre avaient perdu leurs finales parce qu’ils n’avaient pas compris que c’est aux matches aller qu’on gagne de telles rencontres. Quand on prend 3 ou 4 buts à l’aller, on a déjà perdu la finale.
Que peut-on faire pour rehausser le niveau du championnat et rendre compétitifs les clubs camerounais sur l’échiquier africain ?
Il faut le dire, tout est improvisation dans le football camerounais. Les succès ne se décrètent pas, ils se préparent. On crée des conditions pour cela. L’équipe du Mali qui a pris part à la Can 2002 a été préparée pendant plusieurs années. Je l’ai vue à la Can junior contre le Cameroun au Nigeria. Le football se conçoit de manière pyramidale. Si le niveau de la masse est bon, on aura une élite de qualité. Au Cameroun, on veut récolter sans semer. Dans les grandes nations de football aujourd’hui, le footballeur de haut niveau se forme. On le prépare. La préparation du footballeur est une science ou un art qu’il faut maîtriser. On ne peut pas s’improviser bon joueur à 20 ou 22 ans, si on n’a pas eu un travail préparatoire avant. A 16 ou 17 ans, le footballeur est déjà fait sur les plans physique et physiologique. Or, qu’il s’agisse de la fédération ou de l’Etat, ils n’ont encore rien fait pour les 12, 13, 14 ou 15 ans. Nous ne faisons rien pour préparer les joueurs. On n’aura donc pas un championnat dont le niveau est bon. J’ai été sidéré lors de la dernière assemblée générale de la Fécafoot où il y avait un satisfecit aveugle. D’un point de vue arithmétique, il y a un accroissement des moyens. Le football camerounais n’a jamais eu autant de moyens, que ce soit ceux générés à l’interne ou à l’externe (mondial, Can, financement Fifa…). Mais l’arithmétique est uniquement financière. Il n’y a aucun projet sérieux qui aille dans le sens d’une ambition sportive.
J’ai été heureux en tant que membre de l’Ag que mes frais aient été triplés de 80 000 Fcfa à plus de 280 000 Fcfa mais, j’ai été malheureux de constater que jusqu’à présent, le championnat des jeunes est bloqué parce qu’il y a divergence entre le Minjes, la Fécafoot et le directeur technique national. Pendant ce temps, les jeunes s’entraînent depuis le mois d’octobre 2002 et ne jouent pas. Si les instances chargées d’organiser les compétitions des jeunes sont incompétentes, qu’on nous le dise, et nous organiserons des interquartiers pour nos jeunes.
Entretien mené par H. Foimoukom