A 75 ans, l’ancien footballeur professionnel tire sa révérence en emportant avec lui son « projet » d’instauration dans le football camerounais du semi professionnalisme.
Né le 15 Juillet 1931 à Batuchi sur les berges du fleuve Wouri. Dès son jeune âge, Eugène N’jo Lea allie la culture sawa, les études et le sport pour se bâtir un profil de battant au sein de sa génération dans l’actuelle province du Littoral.
Nanti de son Brevet d’études du premier cycle(Bepc) obtenu en 1951 au Collège Moderne de Nkongsamba, au bénéfice d’une bourse académique, Eugène N’jo Léa arrive en France où il doit surtout relever le défi scolaire. Profitant de quelques détours sur les terrains de football, il fait certes prévaloir son talent de buteur dans le club amateur de Roche-la-Molière (Loire) mais il est « viré » du Lycée de Roanne, ville capitale du nord de la Loire en Rhône Alpes.
A 23 ans, Eugène N’jo Léa se case dans la ville de Saint Etienne. Tout en cherchant son baccalauréat, sous le maillot de l’Association sportive de ladite ville française, il deviendra un des fers de l’axe de l’attaque des « Verts ». De 1954 à 1959, dans l’actif de cet avant-centre « rapide », en cinq saisons, on enregistre 93 buts inscrits toutes compétitions confondues avec en prime le titre de troisième meilleur buteur, soit 29 buts en 34 matches de la saison sportive 1956/1957. On n’oublie pas également le premier titre de champion de France (1957) inscrit en lettre d’or dans le palmarès de l’As Saint Etienne grâce au « trio d’attaque redoutable et redouté » Eugène N’jo Léa- Kees Rijvers -Rachid Mekloufi. Et en septembre 1957, Eugène N’jo Lea est le premier avant-centre de l’histoire européenne de l’ASSE contre les Glasgow Rangers.
En 1959,durant deux saisons, Eugène N’jo Léa alterne tant bien que mal la pelouse verdoyante et le banc de touche du stade de Gerland utilisé par l’Olympique Lyonnais et on le retrouvera aussi dans les rangs du Racing Club de Paris(1961-1963).
Parallèlement à son activité sportive, N’jo Léa intègre mieux les amphithéâtres pour s’assurer un brillant parcours universitaire avec au final un diplôme d’études supérieures en droit. Toujours au cœur des réalités footballistiques de l’Hexagone, Eugène N’jo Léa est plus que frustré par « les règles qui régissent le football professionnel français notamment celle qui stipule qu’un joueur appartient à son club jusqu’à l’âge de 35 ans ». Afin de défendre la cause du footballeur professionnel, l’idée de créer un « syndicat » germe dans la tête de N’jo Léa qui contacte le « mythique » footballeur français Just Fontaine et avec le concours du juriste Jacques Bertrand, proche du sport et des sportifs, le 16 novembre 1961, l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (Unfp) est ainsi créée et Just Fontaine en devient le tout premier président.
Après un autre séjour académique aux Etats-Unis, Eugène N’jo Léa embrasse la carrière diplomatique et il y occupe différentes fonctions dans les représentations étrangères de son Cameroun. On relèvera encore son incursion dans le milieu footballistique, lorsqu’en 1987, après avoir tenté de lancer le professionnalisme d’abord au Sénégal ensuite, il présente son projet d’instauration dans le football camerounais du semi professionnalisme. Une initiative vite torpillée par ce qu’il avait souvent qualifié de « fossoyeurs » du sport roi sur le triangle national et depuis lors, le « redoutable buteur » des « Verts » a sombré dans les oubliettes.
A 75 ans, voici plusieurs mois que celui qui fut l’un des premiers footballeurs professionnels camerounais en Europe était alité et sous soins intensifs dans un Centre hospitalier de Douala. Durant sa « longue maladie »(on parle de cancer), à l’exception de la non négligeable assistance de l’Association des Footballeurs Camerounais(Afc) conduite par David Mayebi, son président « à vie », dans l’indifférence totale tant du Ministère des sports et même de la Fédération Camerounaise de Football (Fecafoot), seule sa famille s’est toujours activée à son chevet avant que Eugène N’jo Léa ne rende son dernier soupir ce 23 octobre 2006.
Et voilà la page de vie d’Eugène N’jo Léa ainsi tournée à jamais… Repose en paix…
Guy-Roger OBAMA à Yaoundé