Joseph Kamga, ancien mondialiste aujourd’hui reconverti en banquier, nous plonge dans le passé tout en nous faisant revivre le présent. Quelques temps forts de sa carrière de footballeur, les instants inoubliables de la coupe du monde 1982, cette coupe du monde qui fait mis les bases des victoires de l’équipe nationale du Cameroun. Entretien avec un connaisseur….
Quand on évoque votre nom, ça nous rappelle la finale de la coupe du Cameroun que vous aviez remporté avec l’Union de Douala contre le Canon de Yaoundé en 1980. Parlez-nous de ce match
Je suis très content que vous me parliez de cette rencontre. Je peux vous parlez de ça comme si c’était hier. La finale avait eu lieu à Douala, le 03 août 1980 devant le président Ahmadou Ahidjo. Toute cette semaine, nous nous sommes vraiment préparés et à la veille le samedi, je voyais déjà la victoire. Parce qu’une bonne équipe de football s’est d’abord les dirigeants, il faut être honnête et le dire. On avait des fortes personnalités qui nous encadraient puisse qu’on s’entraînait en nocturne au stade Mbappe Leppe. Grâce à Monsieur Ngassa Happi, on a eu cette coupe. Il nous a vraiment encadrés. Il prenait les joueurs comme ses enfants. Il connaissait où chacun de nous habitait. Après les entraînements (20h00), il était avec ses joueurs jusqu’à une heure tardive de la nuit. Il faisait le tour des maisons dès qu’on finissait de jouer. C’est ça qui nous a motivés. Ça nous a vraiment donné la force de battre le Canon à cette époque. Je vous rappelle que sur le stade, il y avait vingt-deux internationaux. On a réussi à remporter le match deux buts contre un.
En 1980 vous jouiez en nocturne, quand vous voyez que 34 ans plus tard, on ne peut plus jouer la nuit au Cameroun…?
Vous savez que les temps sont différents. Aujourd’hui, il n’y a plus de dirigeants. Pour avoir des dirigeants, il faut des personnes qui ont de la passion pour le football. De nos jours, il y a de l’argent dans le football et les dirigeants viennent se remplir les poches. Les enfants ne peuvent pas jouer tant qu’ils ne sont pas encadrés. Si nous n’étions pas encadrés, nous n’aurions pas joué au football. Il y a un président de club au Cameroun qui a vendu une de ses maisons à Bonandjo (quartier résidentiel à Douala ndlr) pour sauver l’équipe parce qu’elle descendait en deuxième division. Il avait quel intérêt ? La passion. Aujourd’hui il n’y a plus la passion dans le foot, c’est le business que ce soit les joueurs ou les dirigeants.
Milieu de terrain de génie, votre carrière est pleine d’anecdotes. En 1980 alors que vous alliez jouer la finale retour de la coupe des vainqueurs de coupe contre le Stationery Store de Lagos au Nigéria, vous avez été interpellés à l’aéroport de Lagos par la police nigériane qui vous confondait à un prisonnier recherché. Parlez-nous de cette histoire…
Merci. Je ne savais pas que vous étiez au courant. Cela s’est passé deux fois : en 80 lorsque le Nigéria préparait la coupe d’Afrique des Nations, ils ont invité le Cameroun à livrer un match amical à Ibadan. Nous sommes arrivés à l’aéroport de Lagos, ils m’ont interrogé, ils ont pris mon passeport. C’est que quand ils ont vu un nom, Joseph Kamga, c’était un nom qu’il recherchait depuis. Malheureusement, ils n’avaient pas de photos, ni de date de naissance. Ils se sont dit que voila le monsieur que nous cherchions depuis, nous allons l’emmener en cellule. Le ministre Ngongang Wandji (Ministre de la jeunesse et des sports ndlr) de regretté mémoire, Zacharie Nko et tout le reste de la délégation ont dit que nous ne pourrions pas quitter l’aéroport tant que vous ne le libérez pas. Ils ont dit : regardez son jeune âge, regardez son passeport, tous les pays où il est allé, on ne voit nulle part où est écrit Nigéria. L’ambassadeur du Cameroun n’étant pas à Lagos, on était obligé de saisir le président de la république à Yaoundé et c’est lui qui a intervenu pour que je puisse être relâché le matin.
Selon vous, était-ce une manigance pour déstabiliser le groupe ou se sont-ils tout simplement trompés ?
Ils se sont juste trompés. Ça n’avait rien à voir avec le match.
Malgré ce malentendu vous vous êtes imposés au Nigeria?
Oui. Nous étions tous décidés après avoir fait jeu égal (0 – 0) au match aller à Yaoundé. Il fallait tout faire pour gagner à Lagos.
Autre fait marquant de votre carrière de footballeur, vous avez occupé la double fonction d’entraineur, joueur dans plusieurs clubs dans lesquels vous êtes passés. Pourquoi entraineur et joueur en même temps ?
Vous savez j’ai commencé dans le Lion de Yaoundé, après le Lion, je suis allé au Tonnerre de Yaoundé, par la suite j’ai signé à l’Union de Douala où j’ai passé toute ma brillante carrière. Je n’avais plus rien à prouver. J’avais déjà gagné la coupe du Cameroun, j’étais déjà à une coupe des nations, j’avais participé à une coupe du monde et tous mes coéquipiers avec lesquels nous avions fait ces belles aventures n’étaient plus dans le club. Je suis allé à l’Unisport de Bafang où j’ai pris l’équipe en tant que joueur, entraineur. J’ai fait la même chose dans Unité de Douala que j’ai fait monter en deuxième division. C’était en 1988.
Quand vous regardez l’équipe nationale de football actuelle du Cameroun, quel est votre sentiment ?
Vous savez, une équipe de football est d’abord une famille. Quand on dit famille, ce sont des personnes solidaires, des gens disciplinées, des êtres qui s’aiment. Mais, il manque la sérénité au sein des Lions. Nous avons des enfants qui jouent très bien au football. Ils jouent dans des grands clubs en Europe mais, ce qui leur manque c’est la sérénité. Ils n’ont pas de modèle. Vous ne direz pas à un joueur aujourd’hui, joue comme Messi ou comme Lampard. Il vous dira : on se retrouve lors des matchs de championnat. Lorsque nous jouions à l’époque, nous avions des modèles. Il faut que des joueurs aient des modèles et que lorsqu’ils sont sur un terrain de football qu’il se demande que s’ils perdent que diront les camerounais. C’est ce qui nous a fait gagner le match à Kinatra, en 81. On se disait que feront les camerounais si nous perdions le match ? Il faut que les camerounais sachent aujourd’hui qu’ils jouent d’abord pour eux-mêmes. Quant-ils ont de bons résultats, ils signent des contrats. Je dis tout simplement qu’il faut la sérénité dans l’équipe nationale et nous aurons des résultats.
En 1982 qu’est ce qui faisait la différence?
La force personnelle de chacun. Nous étions motivés d’abord parce que l’ancien chef de l’Etat s’était impliqué personnellement dans la préparation. Nous avons fait un mois de préparation en Allemagne. Nous ne connaissions pas les Platini, Les Boniek… On les connaissait à travers les journaux. On ne les avait jamais vus jouer. Et nous avions Jean Vincent de regretté mémoire. Nous avons travaillé. Nous jouions les matchs toutes les 48 heures et nous sommes arrivés au mondial gonflés.
Sans arriver à traverser la phase de poule…
Oui. Nous avions trois points comme le Pérou et l’Italie qui est allé gagner la coupe du monde. Nous avons fait trois matchs nuls. Vous savez quoi ? Le Zaïre avait pris neufs buts lors d’un seul match en 1978. Il nous fallait limiter les dégâts. Si nous connaissions ces pays avant de les affronter, nous aurions fait une très belle coupe du monde. La preuve est que l’Italie avec qui nous avons fait match nul a remporté cette coupe du monde.
Entretien mené par James Kapnang