Les handicapés pleurent, les gouvernants s’engraissent… Vices champions d’Afrique depuis le 26 octobre 2015, les joueurs de la sélection nationale de déficients visuels, abandonnés à eux-mêmes depuis lors, menacent d’entamer une grève de la faim le 29 février prochain à Yaoundé si leurs primes de participation à la première Coupe d’Afrique des nations (Can Cécifoot) ne leur étaient pas reversées.
Revoici le Cameroun et ses éternelles histoires de primes (impayées) ! L’histoire de cette équipe fait pleurer même les âmes les plus insensibles. C’est le mélodrame d’un groupe de déficients visuels, vomis par une société qui n’a qu’un regard condescendant à leur endroit. Mais, au nom des couleurs du drapeau de leur pays, ils ont surmonté leur handicap, transcendé les railleries et autres préjugés dont ils sont sujets, pour faire rêver une Nation. Une Can de Cécifoot où ils réussissent contre vents et marées, à arracher le titre de Vice-champions sous le regard admiratif de milliers de spectateurs, abasourdis par le beau spectacle dont sont capables ces « aveugles » comme on les appelle trivialement. La nouvelle a fait le tour des médias : le Cameroun, pays hôte, se taille une médaille en argent obtenue à l’issue de haute lutte. Mais, l’euphorie post-sacre n’a duré que le temps d’un battement de cils. La suite se passe de tout commentaire. Entre contestations, revendications de primes, mouvements d’humeur étouffés dans l’œuf et promesses fallacieuses, le quotidien des héros de Douala 2015 est devenu un roman où s’entremêlent colère, déception, tristesse et abandon. Un peu plus de 5 mois plus tard, les laissés-pour-compte d’hier, reviennent à la charge avec à la clé, une lettre sans date signée du collectif des athlètes de l’équipe nationale de cécifoot du Cameroun à l’intention des « médias camerounais ».
Conciliabules
« Suite à notre rencontre avec les autorités du ministère des sports et de l’éducation physique le 28 décembre 2015 et aux engagements pris par le ministère pour la résolution de nos problèmes de primes, nous constatons que jusqu’à présent rien n’a été fait dans l’optique de résoudre le problème. Mais tout au contraire nous subissons des sanctions. Ainsi, nous projetons faire une ultime grève au ministère des sports le lundi 29 février 2016 et ceci jusqu’à la résolution complète et totale de nos différentes préoccupations », écrivent les signataires représentés par le capitaine de l’équipe nationale Patrick Bakounga Awa. Pour comprendre les contours de cette affaire, il faut parcourir la lettre de ces footballeurs courroucés adressée à Oumaro Tado, l’actuel secrétaire général du Minsep, Directeur des Sports de haut niveau à l’époque des faits. Dans cette correspondance dont Camfoot a eu copie, l’on apprend qu’il faut remonter jusqu’au lendemain de la Coupe d’Afrique des nations de Cecifoot disputée à Douala du 16 au 26 octobre 2015. Il avait été question, après plusieurs conciliabules dont la dernière en date du 28 décembre 2015 présidée par Tado, du « dénouement absolu de ce dossier au début de l’exercice de l’année budgétaire 2016 (fin janvier début février) ».
Indifférence suicidaire
Environ deux mois plus tard, les Lions indomptables sont ulcérés par le silence (complice) qu’observent les autorités du ministère en charge de ce dossier. Malgré les multiples appels téléphoniques et l’éventail de tentatives de retour à l’apaisement tel que souhaité par le collectif des athlètes de l’équipe nationale, rien n’a été fait. Au contraire, ajouté à cette indifférence suicidaire, « une campagne de déstabilisation est menée par le Président de la Fédération camerounaise des sports pour déficients visuels sans compter avec de éventuelles sanctions qu’ils auraient infligés à tous ceux ayant pris part à la rencontre du 28 décembre 2015 au ministère des sports et de l’éducation physique, les privant de la compétition de Dubaï. Aussi, il aurait posé des actions et tenu des propos visant à tribaliser la pratique du sport dans la Fédération camerounaise des sports pour déficient visuels », déplorent les athlètes.
Christou DOUBENA